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MUSÉE, NATION, PATRIMOINE 1789-1815 (D. Poulot)

Dominique Poulot est l'un des meilleurs spécialistes français de l'histoire des musées, plus spécialement sous la Révolution et au xixe siècle. Parmi les nombreuses études qu'il a consacrées à ce domaine, il faut citer notamment « L'Avenir du passé, les musées en mouvement » (in Le Débat, mai 1981), « La Naissance du musée », in Aux Armes et aux arts ! Les arts de la Révolution, 1789-1799, ouvr. coll. sous la dir. de R. Michel, Paris, 1988), « Les Finalités des musées du xviie au xixe siècle » (in Quels musées pour quelles fins aujourd'hui, ouvr. coll., Paris, 1983), « Le Musée entre l'histoire et ses légendes », (in Le Débat, mars-avril 1988), « La Visite du musée au xixe siècle » (in Gazette des beaux-arts, juin 1983), « L'Invention de la bonne volonté culturelle : l'image du musée au xixe siècle » (in Le Mouvement social, no 131, avril-juin 1985), L'Esprit des lieux. Le Patrimoine et la cité (ouvr. coll. sous sa direction, 1997, Presses universitaires de Grenoble) et Musée, nation, patrimoine, 1789-1815 (coll. Bibliothèque des histoires, Gallimard, 1997)...

Dans Musée, nation, patrimoine, 1789-1815, l'ouvrage qui nous intéresse ici, Dominique Poulot pose le problème de l'émergence, entre la fin de l'Ancien Régime et la Restauration, de l'idée de patrimoine national. La légitimité acquise depuis lors par la conservation des « monuments » du passé et par les institutions qui en sont les garantes, de même que les regrets qu'ont toujours inspirés les actes de vandalisme irréversibles des révolutionnaires ne doivent pas faire oublier que cette notion ne finit par s'imposer qu'au terme de nombreux débats nécessairement idéologiques, dans lesquels était notamment en jeu le sens même de la fracture de 1789, « le plus grand effort auquel se soit jamais livré aucun peuple afin de couper pour ainsi dire en deux [sa] destinée » (Tocqueville).

C'est donc à un examen attentif des travaux historiques, des actes de conservation ou de destruction, des déclarations et des textes qui ont forgé ou remis en cause la « raison patrimoniale » que nous invite ce livre articulé en quatre parties : « Le Sens de l'héritage et l'âge de la critique », « Le Vandalisme révolutionnaire et les politiques de conservation », « L'Invention des musées et les stratégies de l'utilité », « La Culture des musées et les imaginaires de l'authenticité ». La matière, au reste, en est tellement riche et les analyses tellement serrées que tenter de rendre compte de l'ensemble reviendrait à le paraphraser. On en retiendra donc quelques passages particulièrement éclairants. Dans son introduction, Dominique Poulot montre d'abord comment s'est édifié en France, à partir de faits et de principes contradictoires, ce qu'il appelle la « légende du patrimoine ». En dépit d'actes iconoclastes, comme la profanation des tombes royales de Saint-Denis, et d'une croyance fanatique en l'avenir, les hommes de la Révolution n'ont cessé de se référer au passé de la France et à l'Antiquité classique. Mais, « entre l'Ancien Régime antiquaire et le sens du patrimoine moderne, les enjeux se sont transformés... La Révolution mesure aux objets d'Ancien Régime le droit de se perpétuer ou non en fonction de la leçon qu'ils peuvent donner à la postérité ».

La raison, l'esprit des Lumières guident en ce domaine, comme ailleurs, l'action de l'État et la loi : « l'ambition est de faire de l'héritage une fondation réfléchie », c'est-à-dire d'opérer un tri pour « donner à voir la vérité enfin intelligible du passé ». D'où le rôle régénérateur assigné aux musées au regard des œuvres antérieures à la décennie révolutionnaire, qui est de manifester « combien la liberté du génie qui les créa[...]

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