- 1. Trésors religieux et collections princières
- 2. La vénération de l’Antique et l’émergence d’une approche scientifique
- 3. L’ouverture des collections et la question du bâtiment (xvie-xviiie siècles)
- 4. En France, l’œuvre de la Révolution
- 5. Spolier et protéger
- 6. Consacrer les artistes (xixe siècle)
- 7. Vers l’universalité
- 8. Un développement mondial (xixe et xxe siècles)
- 9. Vers une mission d’éducation
- 10. La passion de l’histoire et du patrimoine
- 11. Remise en cause et renouveau
- 12. Avancées muséographiques
- 13. Enrichir les collections
- 14. Une politique d’accueil et d’information
- 15. Mondialisation et après ?
- 16. Bibliographie
MUSÉE
La passion de l’histoire et du patrimoine
L'intérêt extraordinairement vif porté à l'histoire par les hommes du Siècle des révolutions – dans le domaine de l'éducation civique ou religieuse, on compte alors énormément sur sa valeur exemplaire, d'où l'apparition, en marge des études savantes, d'une iconographie et d'une littérature « hagiographiques » particulièrement riches – est un élément déterminant dans la floraison du musée à cette époque. En France, à côté des grands établissements relevant de l'État ou des collectivités publiques, on voit proliférer, dans la seconde moitié du xixe siècle, les petits musées fondés par les sociétés savantes locales, destinés à recueillir et à faire connaître le patrimoine archéologique et artistique en pleine redécouverte, et l'histoire des villes et des provinces. Inversement, le musée peut lui-même susciter de véritables vocations d'historiens, comme en témoigne, entre autres exemples célèbres, l'influence exercée sur l'esprit du jeune Michelet par le musée des Monuments français : « Je me rappelle encore l'émotion, toujours la même et toujours vive, qui me faisait battre le cœur, quand, tout petit, j'entrais sous ces voûtes sombres […] Je cherchais, quoi ? Je ne sais ; la vie d'alors, sans doute, et le génie des temps » (Histoire de la Révolution française, XII, 7).
Reste que la représentation du passé a pris au cours des âges des formes très diverses : celle sur laquelle ont vécu les hommes de l'Antiquité et du Moyen Âge était plutôt d'ordre mythique ou symbolique – on ne peut les taxer pour autant de barbarie et d'obscurantisme – ; celle des hommes du xixe siècle, comme Michelet précisément, était encore investie d'une charge émotionnelle très forte, du fait notamment de la proximité de l'Ancien Régime et de la Révolution. La nôtre est plus distanciée, plus objective même parfois, encore que les acquis considérables de la recherche lui aient sans doute fait perdre en pouvoir de conviction et de mobilisation ce qu'ils lui ont ajouté en précision et en rigueur. Alors que les études savantes ne cessent de se développer, on assiste du reste, du côté de l'école, à une inquiétante régression de l'enseignement de l'histoire, en France du moins. Ainsi, les manuels sans doute trop lourds de la IIIe République – mais ô combien évocateurs, dans leur forme abrégée et illustrée destinée à l'école primaire – ont été à ce point vidés de leur contenu événementiel, suspect, depuis l'école des Annales, de masquer l'essentiel, la réalité sociale et économique, et de véhiculer ainsi une conception partiale de l'histoire, qu'ils n'offrent plus aux élèves qu'une idée très vague de l'enchaînement des périodes, et, prétendant les faire réfléchir sur les principaux aspects de celles-ci, les renvoient en fait à leur ignorance.
Les résultats de cette carence pédagogique sont prévisibles : sauf efforts individuels de rattrapage, on assiste à un affaiblissement des connaissances et donc à un désintérêt grandissant de la part du plus grand nombre, avec comme corollaire le risque d'une certaine désaffection pour la discipline elle-même. Pour les musées, une telle évolution serait catastrophique, car le succès nouveau qu'ils enregistrent depuis que des politiques publiques ont été engagées dans ce domaine, favorisant l’essor de l’institution (en France de la fin des années 1970 aux années 1990), doit beaucoup aux progrès de la scolarisation, à l'accession d'un pourcentage de plus en plus élevé d'individus aux études secondaires et supérieures. Si l'école renonce à transmettre les rudiments d'une culture, les musées risquent fort de retourner à la situation du siècle passé et de redevenir une institution[...]
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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Médias
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