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MUSÉE

La vénération de l’Antique et l’émergence d’une approche scientifique

En valorisant l'individu et ses facultés d'intervention sur le monde, à la lumière des grands exemples antiques transmis par les textes, la Renaissance italienne jetait les bases d'une transformation radicale du statut de l'art et d'un nouveau type de mécénat, acte politique soucieux de rayonnement. Dans le mythe de l'élaboration de la cité idéale, le poète, le musicien et l'artiste – architecte, peintre et sculpteur – devaient collaborer à l'œuvre du prince. Le culte de la personnalité requérait par ailleurs les services de l'art – le succès croissant que rencontre un genre tel que le portrait à partir de cette époque est à cet égard très significatif – et le goût de la collection venait parachever l'image de l'humaniste éclairé dans les domaines de la connaissance les plus élevés. Les xve et xvie siècles virent la constitution, en Italie d'abord (les Malatesta, les Sforza, les Este, les Médicis), puis en France, et peu à peu dans presque toute l'Europe, de collections princières, aristocratiques et bourgeoises (les Fugger à Augsbourg), dont certaines furent à l'origine de grands musées modernes. Ces ensembles importants regroupaient non seulement des œuvres contemporaines, mais aussi des témoignages de l'art antique, notamment des sculptures en bronze et en marbre, extraits des fouilles entreprises de façon plus ou moins sauvage en Italie depuis le Quattrocento, et dont le commerce suscitait jusqu'à des querelles diplomatiques, lorsque les collectionneurs intéressés étaient des princes. Dans l'Europe chrétienne, cette quête passionnée des vestiges de l'Antiquité classique, tant littéraires qu'artistiques, fut l'une des premières manifestations d'un intérêt objectif pour le passé qui, par la suite, devait se généraliser et revêtir bien d'autres aspects. Tout l'art « classique », du xve au xxe siècle, en découle : au-delà d'un vocabulaire de formes, dont l'emploi devait perdurer jusqu'à nos jours, c'est un sens de la mesure et de l'harmonie et une conception particulière de la beauté que cette redécouverte imposa, c'est-à-dire une vision du monde. Dès lors, l'idée de musée était en germe : les produits d'une civilisation abolie devenant des références et des modèles pour le présent, l'urgence de leur conservation se faisait jour.

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence - crédits : Paolo Gallo/ Shutterstock

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence

Par voie de conséquence, tout ce qui s'inspirait de l'Antiquité ou prétendait l'égaler, c'est-à-dire la production contemporaine, l'œuvre des « maîtres », était voué au même sort. Dans son sens actuel, le mot « musée » apparaît d'ailleurs à la fin du xve siècle pour désigner les collections des Médicis à Florence. À l'origine, en Grèce et à Rome (museion, museum), il s'appliquait soit aux temples des Muses, soit aux collèges de savants ou aux lieux consacrés aux discussions philosophiques. L’emprunt est très significatif de la conception unitaire des arts à laquelle adhéraient les hommes de la Renaissance, et du rôle qu'ils assignaient à leurs « musées », lieux privilégiés d'échanges artistiques et intellectuels autant que réserves d'œuvres. Cet usage n'était viable que dans un cadre strictement privé et élitaire : les musées publics n'ont longtemps gardé, de ces collections rassemblées par les princes humanistes, que la dimension conservatoire. Il est intéressant de noter que les grands musées publics, tel le Louvre, dans leur programmation culturelle (concerts, conférences et débats, projections de films, etc.) ont su renouer, dans le contexte de leur développement depuis les années 1980, avec cette vocation première.

<em>Cabinet d’art et de curiosités</em>, Frans Francken II le Jeune. - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Cabinet d’art et de curiosités, Frans Francken II le Jeune.

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Tribune des Offices, musée des Offices, Florence - crédits : Paolo Gallo/ Shutterstock

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence

<em>Cabinet d’art et de curiosités</em>, Frans Francken II le Jeune. - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Cabinet d’art et de curiosités, Frans Francken II le Jeune.

Salle des Muses du musée Pio-Clementino, Vatican - crédits : Adam Eastland Art + Architecture/ Alamy/ Hemis

Salle des Muses du musée Pio-Clementino, Vatican

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