- 1. Trésors religieux et collections princières
- 2. La vénération de l’Antique et l’émergence d’une approche scientifique
- 3. L’ouverture des collections et la question du bâtiment (xvie-xviiie siècles)
- 4. En France, l’œuvre de la Révolution
- 5. Spolier et protéger
- 6. Consacrer les artistes (xixe siècle)
- 7. Vers l’universalité
- 8. Un développement mondial (xixe et xxe siècles)
- 9. Vers une mission d’éducation
- 10. La passion de l’histoire et du patrimoine
- 11. Remise en cause et renouveau
- 12. Avancées muséographiques
- 13. Enrichir les collections
- 14. Une politique d’accueil et d’information
- 15. Mondialisation et après ?
- 16. Bibliographie
MUSÉE
Consacrer les artistes (xixe siècle)
La politique muséale de l’ère napoléonienne, loin de se limiter à des mesures de spoliation, suscita des fondations dans la plupart des pays annexés ou vassaux, par l'intermédiaire des frères de l'Empereur et des généraux investis ici et là du pouvoir (1808, Rijksmuseurn d'Amsterdam ; 1809, Pinacothèque de Brera à Milan ; 1809-1819, musée du Prado à Madrid). Pour parer aux réquisitions éventuelles des commissaires français, certaines villes avaient ouvert à la hâte leurs propres musées dès l'époque de la Révolution : c'est le cas de Bologne (1796) et d'Anvers (1797), mais l'exemple impérial fut plus déterminant encore que les menaces de spoliation. Vers 1850, la quasi-totalité des grandes collections royales était devenue accessible au public, voire installée dans de nouveaux bâtiments. Ainsi du musée de Frédéric-Guillaume III à Berlin, dit aussi Altes Museum, point de départ du fameux Museuminsel, premier grand complexe européen qui devait regrouper par la suite le Kaiser-Friedrich Museum, le Deutsches Museum, la National galerie et le Pergamonmuseum ; les Alte et Neue Pinakothek de Munich, l'Ermitage de Saint-Pétersbourg. Fondée en 1824, la National Gallery de Londres fut installée dans ses locaux actuels en 1838.
Il s'agit là essentiellement de musées d'art, ensembles d'une richesse exceptionnelle, réunis au cours des siècles par des générations de princes amateurs ou simplement avides du surcroît de gloire que peut conférer la possession d'un riche patrimoine artistique. Ouverts au public, ils s'adressaient en priorité aux artistes eux-mêmes, auxquels ils fournissaient des modèles stimulants, éléments de référence d'un enseignement pour longtemps encore fondé sur l'admiration des maîtres et la pratique de la copie, conformément à l'idée de certains fondateurs, tel Federico Borromeo à l'Ambrosienne de Milan, idée reprise par les théoriciens et les critiques des Lumières.
En France, le xixe siècle vit aussi l’apparition d'une institution tout à fait originale dans sa spécificité : le musée d'art contemporain. En effet, à partir de 1818, le musée du Luxembourg – bien avant le Musée national d'art moderne (qui ouvrira ses portes en 1937) – accueillait des œuvres d’artistes vivants et fondait ainsi la notion ambiguë d'« art des musées », terme d'adulation ou de mépris selon les cas, désignant à la fois l'héritage du passé et ce qui, de la production de l’époque, était jugé digne de le rejoindre ou prétendait le continuer, tel l'art pompier… Institutions publiques, les musées offraient dès lors aux artistes, plus que les collections des académies destinées à leur formation et à leur sélection, la consécration suprême : une place dans l'histoire de l'art. Ce pouvoir d'arbitrer en dernier ressort les préférences manifestées par les critiques, les collectionneurs et les marchands, qui donna lieu, au gré des changements d'éthique et de mode et par suite de la timidité ou de l'audace des conservateurs, à autant d'injustices – le plus souvent, il est vrai, réparées avec le temps – que de reconnaissances méritées (songeons seulement à la destinée contraire des œuvres de Daumier et de Meissonier), explique en partie le rapport ambigu, de fascination et de dédain tout à la fois, qu'entretiennent de nos jours encore les artistes avec l'institution.
La montée d'une histoire de l'art représentée, en dépit des retards et des lacunes, par les musées, laissait par ailleurs pressentir tous les mouvements d'avant-garde et de rupture avec le passé qui n'ont cessé de marquer la création depuis plus d'un siècle. L'entrée au musée des formes d'expression les plus contestataires par rapport[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
Classification
Médias
Autres références
-
MUSÉE, NATION, PATRIMOINE 1789-1815 (D. Poulot)
- Écrit par Robert FOHR
- 1 521 mots
Dominique Poulot est l'un des meilleurs spécialistes français de l'histoire des musées, plus spécialement sous la Révolution et au xixe siècle. Parmi les nombreuses études qu'il a consacrées à ce domaine, il faut citer notamment « L'Avenir du passé, les musées en mouvement » (in ...
-
MUSÉES DE FRANCE STATUT DES
- Écrit par Marie CORNU
- 2 654 mots
La loi relative aux musées de France, dite loi musée, adoptée le 4 janvier 2002, vient opportunément encadrer l'activité des institutions en charge de la conservation et de la présentation au public des collections. Jusque-là, une ordonnance provisoire du 13 juillet 1945 fixait très sommairement...
-
MUSÉE ET MÉDIATION NUMÉRIQUE
- Écrit par Geneviève VIDAL
- 3 325 mots
- 1 média
Les médiations numériques muséales, qui relèvent d’innovations techniques, culturelles et sociales en évolution permanente, font l’objet d’une grande variété d’usages, par le biais de dispositifs de communication. Elles soulèvent plusieurs enjeux relatifs aux politiques numériques conduites...
-
AIX-LA-CHAPELLE, histoire de l'art et archéologie
- Écrit par Noureddine MEZOUGHI
- 1 001 mots
- 2 médias
Aix connut son apogée quand Charlemagne s'y installa définitivement, en 794. Il entreprit alors la construction d'un vaste palais sur un plan régulier imité de l'Antiquité romaine. L'ensemble a malheureusement disparu, à l'exception de la célèbre chapelle...
-
ANGIVILLER CHARLES CLAUDE DE LA BILLARDERIE comte d' (1730-1809)
- Écrit par Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE
- 607 mots
- 1 média
La faveur de Louis XVI vaut à d'Angiviller de remplacer, en 1774, le marquis de Marigny comme surintendant des bâtiments du roi. Ses idées sont plus personnelles que celles de son prédécesseur, mais il reconnaît la valeur de l'œuvre accomplie par lui grâce aux sages conseils dont il a su s'entourer...
-
ANTHROPOLOGIE DU PATRIMOINE
- Écrit par Cyril ISNART
- 4 702 mots
- 2 médias
...privilégié de l’anthropologie sociale et culturelle, notamment à travers la mise en valeur des productions plastiques des peuples non occidentaux dans les musées d’ethnographie dès le xixe siècle ou l’émergence du folklore comme science des cultures européennes. La littérature consacrée à la transmission... -
ARCHÉOLOGIE (Archéologie et société) - Archéologie et enjeux de société
- Écrit par Jean-Paul DEMOULE
- 4 676 mots
- 2 médias
...du territoire métropolitain ne fit l'objet d'aucune recherche institutionnelle appuyée sur l'Université, et se trouva abandonnée aux notables locaux. Le musée des Antiquités nationales, créé en 1867, ne fut pas en France, comme dans d'autres pays, installé au cœur de la capitale, mais dans sa banlieue,... - Afficher les 162 références