MUSÉES D'ARCHITECTURE
Des musées à géométrie variable
Franchir la porte d'un musée, même s'il s'agit du Palais de la découverte, c'est s'apprêter à voir ce qu'on s'attend à y trouver. Musée d'art ancien, d'art moderne, de l'affiche, de la publicité, de la mode, de la dentelle, de la mine, de la bière.... autant de lieux, des plus culturels aux plus conviviaux, dont le nom est parlant. Leur dénomination évoque en effet avec précision des images, des objets, des ambiances. L'expression « musée d'architecture », en revanche, ne suggère rien de très précis, bien qu'on en parle souvent et qu'ici et là des institutions surgissent. Phénomène avant-coureur : la nécessité de la chose est perçue sans que l'on puisse en définir la nature exacte. Il n'y a par exemple rien de comparable entre les deux musées d'architecture municipaux de Francfort et de Liège. Le premier, inauguré en janvier 1984, était porté par les médias ; il disposait de budgets confortables, visait une audience internationale par ses expositions, ses éditions, ses acquisitions de dessins d'architectes célèbres, mais il a depuis lors considérablement réduit ses activités. Le second (fondé en 1917, inauguré en octobre 1976 et définitivement fermé à la fin des années 1980) ne revendiquait qu'une connotation régionale ; c'était un parc architectural urbain constitué de maisons authentiques, ou peu s'en faut, démontées dans le cadre d'opérations d'urbanisme et remontées pour former une sorte de charmant refuge, cousin urbain des hameaux de Marie-Antoinette.
Boullée réclamait dès 1792 la réalisation d'un musée d'architecture. Si l'architecte mégalomane comprenait que le gouvernement ne pouvait donner aussi facilement aux architectes des bâtiments à construire qu'il achetait des tableaux et des statues, ce dernier pouvait néanmoins leur commander des maquettes, des modèles réduits d'édifices dont la réunion formerait le musée d'architecture.
Mais c'est à l'architecte-collectionneur Léon Dufourny (1754-1818) que Werner Szambien, auteur d'une remarquable recherche, Le Musée d'architecture, un projet inachevé (Picard, Paris, 1988), attribue la paternité du projet. Homme d'une culture extraordinaire, Dufourny saura tirer les conclusions des voyages pittoresques, de l'accumulation des savoirs et de l'invention de nouvelles procédures de reproduction pour aboutir à un projet de création de musée d'architecture à Paris. Il en donne les bases dans un rapport rédigé avec Durand et Vaudoyer et publié en 1808 à l'occasion de l'acquisition par l'État de la célèbre collection de maquettes rassemblées par Cassas. Son projet, poursuit Szambien, est le fruit d'une synthèse qui « s'appuie sur trois produits caractéristiques de la seconde moitié du xviiie siècle : la maquette en liège, le voyage pittoresque et le moulage architectural [...]. Le dessin et le projet, pourtant à l'une des époques de leur apogée, ne semblent jouer aucun rôle dans la constitution du musée d'architecture. »
Sous la Révolution et l'Empire, dans une période propice aux tentatives de renouvellement des institutions dédiées à l'art, quelques amateurs d'architecture réussirent donc, au prix de ce qui relève de l'acharnement thérapeutique, à cerner le concept de « musée d'architecture », à en définir la nature, le programme et l'organisation spatiale. Mais, au cours de la décennie 1810-1820, le projet, qui était sur le point d'aboutir, s'effondre.
Dans la notice qu'il rédige sur Dufourny, un des principaux zélateurs de l'idée, Quatremère de Quincy, relève, avec cette lucidité sagace qui lui vaudra tant d'inimitiés, que « le temps qui perfectionne détériore aussi. Il est[...]
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Écrit par
- Maurice CULOT : architecte, responsable du département histoire et archives à l'Institut français d'architecture de Paris
- Simon TEXIER : professeur, université de Picardie Jules-Verne
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