MUSÉES DE MOULAGES
Les musées de moulages : mémoire et avenir de la culture européenne
Où peut-on admirer les sculptures de Phidias ? Le décor sculpté du Parthénon est réparti entre quatre musées, dans quatre pays : le musée d'archéologie de Palerme, le Louvre, le British Museum et, quand même, le musée de l'Acropole. La rapacité des Anglais au début du xixe siècle – qui n'avait d'égale que celle des Français ou des Allemands – fait que, si le Parthénon est resté en Grèce, l'essentiel de son décor sculpté est à Londres. Pour pallier l'inconvénient causé par la dispersion, le moulage intervient d'une double façon. Les Grecs ont ouvert un musée de moulages au pied de l'Acropole où l'on trouve l'essentiel des métopes et des frontons du temple. Depuis 1982, les Grecs réclament de façon officielle le retour des marbres, mais, à défaut, ils se contentent de substituts en plâtre. Quand on visite Athènes, on voit donc maintenant le Parthénon presque complet. Pourtant, si l'on veut regarder de près le décor sculpté conçu par Phidias, ce n'est ni à Londres ni à Athènes qu'il faut aller, mais à la Skulpturhalle de Bâle.
Là est exposée toute la documentation concernant les sculptures du Parthénon, en grandeur réelle. Les raffinements de la présentation en font actuellement le meilleur outil scientifique pour juger l'œuvre de Phidias. La partie centrale des frontons a été entièrement reconstituée. Cette fois, il ne s'agit que partiellement de moulage puisque peu de fragments subsistent, mais d'une restitution faite essentiellement en matériaux synthétiques (polyéthylène). Cette recomposition des frontons se fonde, d'une part, sur les dessins d'un peintre (dont l'identité est discutée) qui accompagnait le marquis de Nointel, ambassadeur de France auprès du Grand Turc en 1674 (le dessinateur fit un relevé des frontons avant qu'ils ne subissent de graves dommages sous les bombes vénitiennes en 1687), et, d'autre part, sur les études minutieuses d'Ernst Berger, qui a constitué la collection, auquel a succédé Thomas Lochman.
Phidias et le Parthénon ne sont pas les seuls axes de recherche de ce musée d'avant-garde qui réunit aussi les répliques des œuvres de Polyclète. Bâle n'est pas un exemple isolé : à Munich, on s'efforce de réunir une collection complète des portraits d'Alexandre le Grand. Toutes les universités allemandes s'honorent de posséder d'importants musées de moulages. Les Allemands n'ont pas failli à la règle en dotant Strasbourg d'une importante collection en même temps qu'ils fondaient en 1872 la Kaiser Wilhelm Universität. Pourtant, quel contraste entre le respect à l'égard de ces collections outre-Rhin et leur devenir en France !
Le musée de Strasbourg contient 1 470 moulages et antiquités qui occupaient 1 300 mètres carrés et décoraient aussi la galerie d'étage de l'aula dans le palais universitaire ouvert en 1884. Ce n'est pas le ressentiment à l'égard de cette création germanique qui fit reléguer les pièces du musée dans une cave depuis la Seconde Guerre mondiale, mais les besoins d'extension d'une université devenue pléthorique. Les collections de Lyon, avec plus de mille antiques et six cents pièces médiévales et modernes, ont subi en partie le même sort. C'est par souci de rivaliser avec les universités allemandes que Maurice Holleaux, directeur de l'École française d'Athènes, fit créer un musée des Moulages antiques en 1899, au dernier étage de la faculté des lettres et de droit que l'on construisait. La collection – comme toutes celles qui furent constituées en Europe au xixe siècle – met l'accent sur la Grèce plutôt que sur Rome. Le choix des pièces moulées reflète les goûts d'une époque[...]
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Écrit par
- Roland ETIENNE : professeur d'archéologie classique, université Lumière Lyon-II
- Jean-Claude MOSSIERE : conservateur adjoint du musée des moulages de Lyon
Classification
Médias
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