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MUSÉES DE SOCIÉTÉ

Des lieux multiformes

La prolifération des musées de société jusqu'en temps de crise ou de mutation est le fait de société marquant. Ces lieux multiformes ne revendiquent pas tous l'appellation « de société ». Tous se veulent en revanche musées, et s'ils ne peuvent accéder à ce label – ce qui est le cas le plus fréquent –, ils s'intitulent quand même « musées » et gardent cette appellation, pour une existence parfois très courte.

Pour l'institution muséale, cet élan, cette volonté, qui se manifeste souvent de façon désordonnée, ne peuvent plus être encouragés. Les moyens accordés par l'État sont de plus en plus comptés, sa reconnaissance devient parcimonieuse. De grandes structures nationales sont en crise ou en redéfinition, et les écomusées, dont certains prestigieux, connaissent aussi des difficultés et n'occupent plus le devant de la scène. La priorité donnée, comme le souhaitait Georges-Henri Rivière, aux écosystèmes humains a pris en effet un tour plus politique. Partout, la fréquentation plafonne ou décroît pour des raisons complexes, qui ne sont pas seulement d'ordre économique. L'accélération ou l'achèvement de la décentralisation marque, pour les plus importants des musées de société, le terme d'une phase de développement et de consolidation rapides. Mais le paradoxe est qu'en même temps – avec ou sans l'aval de l'État, et moins encore avec son aide –, par des moyens nouveaux qui s'inventent chaque jour (mécénat et réseaux locaux, par exemple), un avenir semble promis aux plus petits musées de société.

Peut-être faut-il voir là un effet lointain, à l'échelle microculturelle, d'une mondialisation qui remet toujours plus en cause les États-nations et fragmente à l'infini le corps social. Nation, pays, village, la limite de cet éclatement est « ma maison, ma mémoire ». Restent à imaginer des moyens – qui viendraient s'ajouter à ceux qui sont déjà connus (réinsertion des savoir-faire dans le développement économique local, l'activité touristique...) – non de gérer le foisonnement, et moins encore de le contrôler, mais d'aider partout le citoyen à rassembler ses forces, ses souvenirs, pour continuer à vivre dans une société où les valeurs des grands musées encyclopédiques peuvent sembler parfois incertaines. Comme l'écrit un passant sur le livre d'or d'un très petit musée de société évoquant, avec peu de moyens, un fragment d'histoire locale et ses disparus anonymes : « Si je viens ici, c'est que j'y rencontre des vivants. »

Si local soit-il dans son projet, un musée de société rencontre les autres et ouvre, notamment, sur l'Europe. C'est aussi un musée du futur, une école pour l'avenir.

— Jack LIGOT

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Écrit par

  • : professeur agrégé de philosophie, ancien chargé de mission à la Direction des Musées de France

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