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MUSICALES (TRADITIONS) Musique hébraïque

La musique synagogale à travers les âges

L'institution de la synagogue précéda la destruction du second Temple et la période d'exil. Dans ce lieu de recueillement, la prière intime vient remplacer le faste cérémoniel de la musique du Temple et le délégué de la communauté (šalîyaḥ ṣibbûr) – fonction assumée par différents membres – signale la disparition de la classe des musiciens professionnels devant appartenir aux descendants de la tribu de Lévi. Ayant été réservée à une fonction bien précise, toute la musique savante, vocale ou instrumentale, devait tomber en désuétude avec la destruction du second Temple. La musique synagogale reposait à ses débuts sur quelques formes de base : la cantillation de la prière, la lecture solennelle des textes bibliques et la psalmodie. Dans toutes ces formes, la musique est reléguée au second plan et ne sert qu'à mettre en valeur la signification du texte et à accentuer le sentiment de dévotion. Aussi bannit-elle les instruments de musique et n'en retient-elle que le šofâr, qui est encore actuellement en usage dans l'office du jour de l'An et du jour des Expiations. Bien que la raison admise de ce bannissement soit le deuil consécutif à la destruction du Temple, il semble qu'il y eut d'autres motifs, notamment la volonté de ne pas distraire l'attention du texte de la prière et la crainte d'assimilation avec des manifestations profanes pouvant contaminer la sainteté de la prière.

La cantillation

La cantillation biblique est l'une des formes les plus anciennes de la musique synagogale. Elle a donné lieu, du vie au ixe siècle, à l'élaboration des systèmes de représentations graphiques des ṭe‘amîm (accents). C'est le système dit « tibérien » attribué à Aaron ben Ašer (xe s.) qui s'est imposé. Classé en ṭe‘amîm disjonctifs, ou « rois », et en ṭe‘amîm conjonctifs, ou « servants », les ṭe‘amîm indiquent des formules mélodiques qui, en dehors de leur signification musicale, ont une signification grammaticale. Les mêmes signes d'accentuation indiquent des formules mélodiques dont le contour varie selon qu'il s'agit du Pentateuque, des Prophètes ou des différents livres d'hagiographes. L'interprétation de ces formules change suivant les communautés. À cet effet, quatre principales familles de lecture sont à signaler : la yéménite, l'ashkénaze, la séfarade et la sud-marocaine. Il y a généralement des formules utilisées dans l'enseignement et d'autres qui appartiennent à la lecture solennelle. Dans les communautés du Proche-Orient en particulier, il y a deux espèces de lecture, une simple et une autre fort ornée qui parfois s'apparente nettement à des éléments de la musique savante.

Le « piyyûṭ »

L'introduction, à partir du vie siècle, de la poésie religieuse dite piyyuṭîm est certainement un fait déterminant dans l'évolution de la musique synagogale. Il semble que cette poésie, conçue suivant des principes prosodiques évolués, ne fut pas un simple ornement de la prière de base mais une aspiration de rénovation. Depuis lors, cet état d'esprit est demeuré en permanence et la puissance créatrice dans ce domaine est un phénomène valable jusqu'à nos jours, avant tout dans les communautés non européennes. La création des piyyuṭîm est assimilée, surtout dans les documents de la Genizah du Caire, avec la ḥizânah (art du chantre), autre notion importante qui voit le jour à peu près à la même époque. En effet, l'exécution du piyyûṭ à ses débuts était destinée au chantre (ḥazzân) et non pas aux fidèles. On peut par conséquent saisir toute la portée musicale de ce genre nouveau. Parallèlement à la cantillation simple de la prière de base en prose, on introduit dorénavant des chants qui laissent au chantre[...]

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Écrit par

  • : professeur de musicologie et directeur de l'Institut des langues, littératures et arts, université hébraïque de Jérusalem, Israël

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