MUSICALES (TRADITIONS) Musiques de l'Islam
Les musiques d'une vaste région géographique allant de l'Asie centrale à l'Atlantique constituent les branches d'une même famille musicale ayant pris racine dans les foyers culturels du Proche-Orient et du Moyen-Orient. En dépit de leurs multiples apparences, ces musiques, qui appartiennent toutes à la tradition orale, présentent certaines caractéristiques communes, surtout dans l'art savant ; cela est moins évident dans les musiques ethniques, où les particularités régionales sont marquées. Faute de documents notés, on doit s'appuyer, d'une part, sur la littérature relative à la musique et, d'autre part, sur les musiques vivantes actuelles pour tracer l'histoire d'un long passé riche en événements. Les écrits renseignent abondamment sur l'art savant élaboré avec l'expansion de l'islam, mais ils sont quasi muets en ce qui concerne les patrimoines ethniques. Quant aux documents sonores actuels, ils doivent être maniés avec prudence, compte tenu du phénomène de l'acculturation qui s'est accru au xxe siècle, allant parfois jusqu'à l'hybridisation. En tout cas, il est certain que l'art savant, fruit de la civilisation musulmane, a été constitué à partir de la musique arabe préislamique et des importantes contributions musicales des peuples islamisés. Conquérants et conquis ont accepté cette nouvelle musique, qui fit rapidement tache d'huile à travers tout l'empire musulman. Mais par la suite, entre autres pour des raisons politiques, nationalistes, sociales, se détachèrent des styles locaux qui se superposèrent au style commun.
Essai de synthèse
Caractéristiques de l'art savant
L'art musical savant dans le monde islamique est avant tout un art de soliste ; il est le fait d'individus doués d'un authentique pouvoir expressif, sachant créer, ayant une mémoire exceptionnelle et capables de prouesses techniques. Même dans les grandes formations orchestrales actuelles, conçues sous l'influence occidentale, le soliste, généralement le chanteur, joue le rôle de vedette. À quelques exceptions près, notamment celle de la musique iranienne, il n'y a pas de musique instrumentale indépendante et la musique vocale sous toutes ses formes prédomine. Cette musique comporte de très nombreuses émissions sonores différentes, tant vocales qu'instrumentales, ainsi qu'une grande richesse rythmique, qui lui confèrent une finesse de nuances et une réelle puissance d'expression. Elle est donc linéaire et les apparences polyphoniques vocales ou instrumentales sont généralement accidentelles et employées dans la plupart des cas comme ornementation. Parmi les facteurs qui enrichissent la ligne mélodique, il y a la microtonalité, le grand nombre d'intervalles et les nuances qui affectent même les consonances parfaites telles la quarte et la quinte. En outre, la musique vocale est intimement liée à la poésie et à ses lois formelles et prosodiques. Le musicien-chanteur est tenu d'être ému et d'émouvoir son auditoire, d'où la notion du ṭarab, terme complexe qui désigne une gamme étendue de réactions émotionnelles consécutives à l'audition de la musique, allant de la délectation intellectuelle et de la douce émotion jusqu'à l'extase. Néanmoins, les aspects de jeu, de divertissement et de passe-temps agréable n'en sont pas absents. Quoi qu'il en soit, la perfection de toute exécution musicale repose sur l'interaction entre l'exécutant et l'auditoire averti. Cet auditoire sert généralement de frein à toute tentative de s'écarter de l'esprit de la tradition et juge toute innovation incompatible avec les normes établies. Toutefois, tout en étant soumis aux exigences stylistiques préétablies, le musicien bénéficie d'une marge de liberté créatrice. On attend de l'artiste qu'il ajoute ses apports aux éléments traditionnels sous forme[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Charles DUVELLE : musicologue, fondateur de la collection Ocora, expert international en matière d'ethnomusicologie
- Amnon SHILOAH : professeur de musicologie et directeur de l'Institut des langues, littératures et arts, université hébraïque de Jérusalem, Israël
Classification
Médias
Autres références
-
ALCHIMIE
- Écrit par René ALLEAU et Encyclopædia Universalis
- 13 647 mots
- 2 médias
Les rapports entre la métallurgie et la musique sont mentionnés déjà par Strabon, par Solin et par Plutarque. Selon Aristide Quintilien, la musique désigne, en général, « ce qui régit et coordonne tout ce que la nature enferme dans son sein ». Ptolémée, dans ses Harmoniques, assimile les... -
BACHIR MOUNIR (1930-1997)
- Écrit par Éliane AZOULAY
- 515 mots
Irakien né à Mossoul d'une mère kurde et d'un père syriaque orthodoxe, Mounir (ou Munir) Bachir a été surnommé l'« émir du oud ». Au côté de son père, Abdel-Aziz Bachir, luthiste et chanteur réputé, il se familiarise avec les diverses facettes de la tradition irakienne, où se mêlent influences syriaques,...
-
BEBEY FRANCIS (1929-2001)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 242 mots
Auteur-compositeur, écrivain, poète, chanteur et guitariste camerounais. En 1950, il vient étudier à Paris et joue avec son compatriote Manu Dibango. Il étudie ensuite le journalisme aux États-Unis puis regagne la France, où il entre comme reporter à la Sorafom (Société de radiodiffusion de la France...
-
BERIO LUCIANO (1925-2003)
- Écrit par Juliette GARRIGUES
- 4 827 mots
...extra-européennes. Il s'est en fait intéressé aux expressions et aux techniques populaires qui lui ont permis d'embrasser des mondes apparemment hétérogènes : les folklores sicilien et serbo-croate, les chants arméniens, les polyphonies pygmées... À l'instar de Bartók ou de Stravinski, Berio a réussi à intégrer... - Afficher les 64 références