MUSICALES (TRADITIONS) Musiques de l'Islam
Un cas particulier : la Mauritanie
En Mauritanie, la musique est pratiquée avant tout par des professionnels qui forment à eux seuls une catégorie particulière, une caste de la société maure. Ces musiciens professionnels, qu'on appelle communément des « griots », se transmettent oralement, d'une génération à l'autre, les techniques du métier (notamment celles du jeu instrumental), les règles et les nuances d'un art qui s'appuie sur une théorie musicale fort complexe.
Outre les musiques des populations noires, riveraines du fleuve Sénégal, et celles que pratiquent les Mauritaniens de basse condition, il existe certes une musique maure, non professionnelle, jouée ou chantée par des gens qui ne sont pas griots. Le peu de choses que l'on sait sur cette musique semble indiquer qu'elle n'est guère prisée par la haute société et qu'en tout cas elle ne joue à présent qu'un rôle secondaire dans la vie musicale maure. On se limitera donc ici à la musique « classique », celle que les Maures considèrent eux-mêmes comme le véritable art musical du pays.
La poésie est, avec la musique, l'art le plus développé et le plus apprécié en Mauritanie. Bien que musique et poésie soient souvent intimement liées (il existe des correspondances précises entre la métrique ou le style de certains poèmes et les rythmes ou les « modes » musicaux), elles n'appartiennent pas à un même domaine.
En effet, tout Maure de bonne condition, quelle que soit la caste dont il fait partie (marabout, guerrier, etc.), apprend par cœur des poèmes en arabe littéraire ou en hassania (arabe de Mauritanie). Certains composent et écrivent eux-mêmes des poèmes de caractère religieux ou profane, qu'ils récitent à l'occasion de ces fameuses réunions entre amis, sous la tente. Les poètes les plus réputés se rencontrent d'ailleurs plus souvent chez les non-griots.
Il n'en est pas de même pour la musique. Si la plupart des Maures l'apprécient tout autant et parfois plus que la poésie, seuls les griots en jouent et en connaissent parfaitement les règles ; les « profanes » (c'est-à-dire les non-griots) ont un savoir plus ou moins étendu sur les principes théoriques, les règles et les conventions qui régissent la musique maure. Certains sont capables de reconnaître les « modes » principaux, tandis que d'autres, plus avertis, peuvent suivre avec précision les divers moments d'un concert et déceler à l'occasion une légère défaillance d'un griot (dans le jeu instrumental comme dans le chant), la moindre faute vis-à-vis de l'orthodoxie des règles musicales.
Des instruments et de la manière d'en user
Les deux instruments dont se servent les griots maures sont la tidinit et l'ardin. La tidinit, qui semble réservée aux hommes, est un luth à quatre cordes dont la caisse en bois, de forme variable, est recouverte d'une peau tendue. Le manche est une simple tige de bois qui s'enfonce dans la caisse, sous la peau. Les cordes, tendues sur un chevalet, sont fixées d'un côté à l'extrémité du prolongement intérieur du manche et de l'autre à des anneaux en cuir disposés autour du manche proprement dit (pour régler l'accord, on déplace plus ou moins les anneaux de cuir). L'instrument comporte des bruiteurs : sonnailles métalliques fixées à l'extrémité du manche ou chaînettes enroulées autour de la caisse. Pour jouer, le musicien ébranle les cordes avec les ongles de la main droite, tandis qu'avec les doigts de la main gauche il peut appuyer sur les cordes, contre le manche ; il arrive souvent qu'il frappe simultanément, avec le pouce de la main droite, contre la peau tendue sur la caisse de résonance, afin de marquer le rythme.
L'ardin, dont se servent les griottes maures, est une harpe angulaire comportant environ[...]
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Écrit par
- Charles DUVELLE : musicologue, fondateur de la collection Ocora, expert international en matière d'ethnomusicologie
- Amnon SHILOAH : professeur de musicologie et directeur de l'Institut des langues, littératures et arts, université hébraïque de Jérusalem, Israël
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