MUSICALES (TRADITIONS) Musiques des Amériques
Les formes acculturées et la musique savante
La seule description des nombreuses formes musicales acculturées des traditions nord-américaines, latino-américaines et afro-américaines serait trop longue. C'est dans l'hybridation que le génie musical de l'hémisphère américain s'exprime de la manière la plus caractéristique. Une vue d'ensemble des musiques métissées du monde hispanique nous rappelle que parmi les formes de chant populaire, dérivées du folklore musical espagnol ou portugais, on rencontre tout d'abord les formes voisines de la ballade espagnole, la romance. Les divers sujets des romanceros ibériens se retrouvent en Amérique latine ; les textes poétiques sont plus ou moins intacts, mais les chants qui les accompagnent semblent avoir subi les transformations inévitables de la tradition orale. Les romanceros créoles comprennent le corrido mexicain (suivant la forme décima, de dix vers de structure abbaaccddc, ou le quatrain), la copla, de structure abcb en Colombie, dans les pays andins et en Argentine, la romance et xácara au Brésil. D'autres genres traditionnels de poésie chantée comportent le verso ou canto alopoeta chilien qui révèle des éléments semblables à certains styles de musique espagnole médiévale, comme l'emploi de certains modes et la pratique des cadences. Le canto a lo humano et le canto a lo divino, suivant que le contenu des textes se rapporte à un sujet humain ou religieux, et les chants religieux populaires, comme les alabados et alabanzas, les villancicos, les chants de Noël, comme les aguinaldos, esquinazos et coplas de Navidad, se retrouvent dans presque tous les répertoires créoles.
C'est toutefois dans la musique de danse que l'univers musical latino-américain se montre le plus singulier. De nombreux sujets religieux sont traités dramatiquement, par des danses théâtrales populaires, comme l'auto sacramental, les pastoris, en Amérique espagnole, et les divers bailados au Brésil où l'on trouve un syncrétisme tout particulier entre la commémoration des saints catholiques et les divinités africaines. La congada, par exemple, est une danse dramatique qui mêle des éléments du théâtre religieux populaire de la péninsule Ibérique (y compris certaines réminiscences de la Chanson de Roland) et certaines traditions afro-brésiliennes, comme le couronnement des rois africains au temps de l'esclavage. Les chants, où dialoguent les solistes et les chœurs pendant toute la représentation, présentent, en général, les caractéristiques de la tradition portugaise, mais de nombreux instruments d'origine africaine accompagnent les danses.
De nombreuses danses latino-américaines conservent des traits chorégraphiques ibériques, comme le battement des pieds (zapateado) et le claquement des doigts, ainsi que certains rythmes particuliers. La chacarera argentine, par exemple, conserve une structure rythmique dans laquelle les mesures à 6/8 et 3/4 alternent. Les mêmes formules rythmiques dites sesquialtera ou hemiola se retrouvent dans les différents sones (jarocho, huasteco, jalisciense) mexicains, le bambuco colombien et la cueca bolivienne et chilienne. Ils consistent à établir une relation disjointe, polymétrique entre l'accompagnement instrumental et la partie vocale. Le chant de ces danses est très souvent en tierces ou sixtes parallèles, autre héritage hispanique.
La tradition de la musique populaire afro-américaine en Amérique latine est importante surtout au Brésil, au Venezuela, en Colombie, dans les régions du littoral, en Équateur et au Pérou, au Panamá et dans toutes les îles antillaises. C'est dans les répertoires de musique religieuse que les styles africains se conservent d'une façon plus directe. Aussi bien en Haïti, à Cuba, en Jamaïque et à Trinité et Tobago qu'au Brésil, ces religions réalisent leur but liturgique par la musique et la danse[...]
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Écrit par
- Gérard BEHAGUE
: docteur en musicologie, professeur de musicologie et d'ethnomusicologie, président de la Society for Ethnomusicology Inc., chef du département de la musique à l'université du Texas, Austin, éditeur en chef de la revue
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