ACOUSMATIQUE MUSIQUE
Acousmatique et acoustique
Et tout d'abord d'où vient acousmatique, ce mot rare retrouvé du vie siècle avant J.-C. et attribué à Pythagore ?
Dans Musique animée, une émission du Groupe de musique concrète de 1955, l'écrivain et poète Jérôme Peignot déclarait à propos des vives réflexions terminologiques sur les premières « musiques de bruits » : « Quels mots pourraient désigner cette distance qui sépare les sons de leur origine ? [...] Bruit acousmatique se dit (dans le dictionnaire) d'un son que l'on entend sans en déceler les causes. Eh bien ! la voilà la définition même de l'objet sonore, cet élément de base de la musique concrète, musique la plus générale qui soit, de qui...
la terre au ciel était voisine, [et dont les pieds touchaient à l'empire des morts. »
Quant à Pythagore, on sait que ce philosophe, mathématicien et musicien n'a laissé aucun écrit. On rapporte qu'il imagina un dispositif original d'écoute attentive, en se plaçant derrière un rideau pour enseigner à ses disciples, dans le noir, et dans le silence le plus rigoureux. Acousmatique (du grec akousma, perception auditive) est le mot qu'il emploie pour désigner cette situation, ainsi que les disciples eux-mêmes, qui développaient ainsi leur technique de concentration.
Dans son Traité des objets musicaux, publié en 1966, Pierre Schaeffer reprend le terme d'acousmatique et le rattache à l'écoute réduite : « Le magnétophone a la vertu de la tenture de Pythagore : s'il crée de nouveaux phénomènes à observer, il crée surtout de nouvelles conditions d'observation. »
En 1974, pour nous débarrasser de l'encombrante et disgracieuse « électroacoustique » – inadaptée, de surcroît, à désigner le travail de studio depuis qu'il existe des instruments électroacoustiques de scène (ondes Martenot, guitare électrique, synthétiseurs, processeurs audionumériques en temps réel...) –, nous avons voulu désigner d'un terme approprié une musique qui se tourne, se développe en studio et se projette en salle, comme le cinéma.
Dans le Larousse de la musique (édition de 1982), Michel Chion indique que « „Musique acousmatique“, „concert acousmatique“ sont pour lui [François Bayle] des termes mieux appropriés à l'esthétique et aux conditions d'écoute et de fabrication de cette musique „invisible“, née du haut-parleur et où le son enregistré est délié de sa cause initiale ». Ce même auteur rassemble, dans le Guide des objets sonores (édition de 1983), les considérations de Pierre Schaeffer sur ce rétablissement phénoménologique qui inspire toute la démarche du Traité des objets musicaux. Michel Chion écrit notamment ceci, à l'article « La Révélation acousmatique » : « Il faut se garder de mal interpréter la situation acousmatique, en y distinguant par exemple „l'objectif“ – ce qui est derrière la tenture – du „subjectif“ – la réaction de l'auditeur à ces stimuli, dans une réduction physicienne du phénomène. Au contraire, l'acousmatique correspond à un renversement du parcours ; il ne s'agit plus de savoir comment une écoute subjective interprète ou déforme la „réalité“, d'étudier des réactions à des stimuli ; c'est l'écoute elle-même qui devient l'origine du phénomène à étudier. C'est vers le sujet que se retourne la question : „Qu'est-ce que j'entends ? Qu'entends-tu, au juste ?“, en ce sens qu'on lui demande de décrire non pas les références extérieures du son qu'il perçoit, mais sa perception elle-même. Acousmatique et acoustique ne s'opposent donc pas comme objectif et subjectif. L'acousmatique en tant que démarche (et non plus seulement en tant que situation) doit ignorer des mesures et des expériences qui ne s'appliquent qu'à l'objet physique, le „signal“ des acousticiens. Mais sa recherche, tournée vers le sujet,[...]
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Écrit par
- François BAYLE : directeur du Groupe de recherches musicales de l'Institut national de l'audiovisuel, responsable de l'Acousmathèque
Classification
Médias
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