ACOUSMATIQUE MUSIQUE
Acousmonium-acousmathèque
Ce qui fait problème, habituellement, dans la situation de la musique acousmatique, c'est son radicalisme, et à travers lui, le plus souvent, sa pauvreté. Une salle de théâtre, une scène nue, un éclairage peu flatteur, quelques haut-parleurs tristement placés dans les coins, une accumulation de matériel technique hétéroclite, telle est la caricature du concert à faible budget monté en hâte durant la journée de relâche chichement consentie, et révélant surtout cette difficulté d'être propre aux démarches expérimentales, autant que la médiocrité du dialogue entre l'art et la technique. C'est pourtant dans cette aire restreinte que nombre d'œuvres prirent leur essor, pour quelques instants – ce qui n'est pas sans rappeler les débuts difficiles de l'aviation ou du cinéma.
Dans cette boîte à simulacre qu'est une scène de théâtre, il s'agit de réaliser, en grande dimension et de façon simple et convaincante, le déploiement et l'évolution des images acoustiques. Tout est nouveau dans cette expérience, le modèle de l'orchestre n'étant d'aucun secours, sauf peut-être en ce qui concerne le nombre et la disposition des agents sonores. Pour qu'un concert acousmatique ne se réduise pas à l'audition passive et monotone d'une pellicule qui se dévide en coulisse sur un appareil lecteur, mais provoque au contraire une écoute riche en impressions variées, en contrastes de dimensions et de mouvements, d'ombres et de couleurs sonores, il faut tout à la fois :
– un étalement suffisant des registres acoustiques ;
– un nombre minimal de chaînes indépendantes permettant de varier les calibres ;
– un sens de la « stratégie » ou de la mise en scène des événements dynamiques et des couleurs acoustiques ;
– des œuvres, enfin, qui se prêtent, par la logique de leur organisation, à une « interprétation ».
Nous avons osé le mot d'acousmonium pour définir la disposition ou le lieu d'un tel spectacle dont nous sommes certains que les décennies futures développeront le fécond répertoire, aussi intarissable que celui des musiques instrumentales de l'acoustique macromécanique. Nous ne pouvons ici qu'esquisser le cadre d'une théorie de l'acousmonium, d'une méthode.
À l'idée reçue de haut-parleur (théoriquement fidèle et surtout neutre), il convient de substituer la notion plus active et plus générale de projecteur de son. Cette notion en dégage deux autres, qu'elle libère : celle de radiateur, ou corps de formes diverses (mur, plaques, tuyaux) servant à étaler, faire rayonner, réfléchir ou concentrer l'impact acoustique, et celle de résonateur, volume vibrant associé.
Projecteurs, radiateurs et résonateurs seront organisés et répartis dans la salle, mise en vibration par l'occupation de points stratégiques de l'espace acoustique. Naturellement, les volumes et les matériaux variant d'une salle à l'autre, aucun schéma-type ne peut convenir. Néanmoins, toute salle peut s'analyser en termes de diagonale, de médiane, de plan face-arrière et face-fond, de plan dos-arrière et dos-fond, de lointain ou de proximité, de latéraux, de plafond, de dessous ou de coulisse.
L'organisation et la mise en scène d'un spectacle acousmatique s'établissent à partir de ce découpage dont certaines positions peuvent être plus ou moins démultipliées, adaptées aux lieux. Cependant, il ressort de l'expérience, du contenu des œuvres comme de la réaction des auditoires, que l'équipement de salles appropriées à la projection sonore – des acousmathèques – s'avère nécessaire, et rentable.
Diffuseur de musiques acousmatiques, de produits radiophoniques d'art, de « grandes interprétations » instrumentales, de sculptures sonores, de documentaires de[...]
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Écrit par
- François BAYLE : directeur du Groupe de recherches musicales de l'Institut national de l'audiovisuel, responsable de l'Acousmathèque
Classification
Médias
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