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CONCRÈTE MUSIQUE

La musique concrète naît en 1948, lorsque l'ingénieur du son Pierre Schaeffer (1910-1995) fonde le Studio d'essai de la Radio-Télévision française (R.T.F). Mais plusieurs expériences ont déjà été réalisées à partir d'appareils électriques de production du son et de moyens de reproduction comme le disque. C'est d'ailleurs un incident technique, le bouclage d'un son sur lui-même, qui est à l'origine de la musique concrète : à l'écoute de ce fragment répété et isolé, Pierre Schaeffer prit conscience qu'il était en possession d'un véritable « objet sonore », susceptible d'être analysé, disséqué, transformé. Le terme de musique concrète est à comprendre en opposition à la musique abstraite, apanage des compositeurs de musique instrumentale. Cette opposition est présente dans le schéma compositionnel, qui est désormais inversé : le son est le point de départ et non plus le point d'arrivée. Pierre Schaeffer définit ainsi en 1948 la musique concrète comme un « collage et un assemblage sur bande magnétique de sons pré-enregistrés à partir de matériaux sonores variés et concrets » : on comprend que le concept repose sur l'enregistrement d'un matériel sonore qui peut être du bruit ou du son instrumental.

Dans une conférence donnée à Genève en 1952, Schaeffer invite « les compositeurs et les auditeurs à remettre en cause l'opposition primaire entre son et bruit en découvrant la musicalité potentielle de sons considérés comme bruits aussi bien qu'en repérant, dans le son prétendu pur, le bruitage implicite ». Et d'ajouter : « On fera bien de se souvenir qu'il ne s'agit pas d'imperfections regrettables : ces prétendues impuretés font partie même du donné musical. » On voit par là sa préoccupation constante d'ouvrir tout le monde sonore à la musique.

Après les « balbutiements » de 1948 (Étude au piano, Étude aux chemins de fer, Étude aux tourniquets, Étude pathétique, Étude violette), Schaeffer s'évertue à enrichir ces objets sonores bruts en les métamorphosant. Il fait subir aux sons diverses transformations en agissant sur plusieurs paramètres : il modifie le temps musical en changeant la vitesse ou le sens du déroulement de la bande, ce qui lui permet d'obtenir des ralentis, des accélérés ; il peut agir sur la hauteur en créant des micro-intervalles grâce à de légères accélérations ou diminutions de la vitesse de déroulement de la bande et il découvre également la possibilité de transformer le timbre par l'utilisation de filtres et par le mixage des sons.

La découverte de la transformation sonore marqua une étape décisive. Elle donna naissance en 1950 à la Symphonie pour un homme seul, œuvre co-écrite par Pierre Schaeffer et son jeune collaborateur Pierre Henry. Même si cette œuvre fut réalisée avec des moyens techniques assez rudimentaires, cette suite de séquences produites à partir d'objets sonores variés mais toujours considérés pour eux-mêmes garde aujourd'hui encore sa magie initiale. Et toute son originalité réside dans le fait que la musique ne dépend plus du monde restreint de l'instrumentation traditionnelle, même si l'on peut remarquer la présence d'un piano préparé. Lors de la création de cette œuvre, Pierre Schaeffer déclara qu'« un homme seul possède bien plus que les douze notes de la voix solfiée. Il crie, il marche, il siffle, il frappe du poing, il rit, il gémit. Son cœur bat, son souffle s'accélère, il prononce des mots, lance des appels et d'autres appels lui répondent. Rien ne fait plus écho à un cri solitaire que la clameur des foules ».

L'apparition du magnétophone en 1951 marqua une nouvelle étape en donnant à la musique concrète toute sa valeur compositionnelle, car la mise au point de cette machine[...]

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  • : ancien critique à Sud-Ouest et à Contact Variété, professeur d'improvisation et d'histoire de la musique

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