MUSIQUE CONTEMPORAINE La musique sérielle et le dodécaphonisme
Arnold Schönberg et la musique sérielle
La musique sérielle, ou plutôt le principe sériel, est une extension et une généralisation de la méthode d'écriture dite dodécaphonique. Le système tonal établissait une dualité dans le discours sonore en se conformant en même temps à deux modèles : l'un, la gamme, contrôlait l'horizontalité ; l'autre, la résonance des fondamentales successives, contrôlait la verticalité. Arnold Schönberg s'est efforcé de définir une structure unificatrice qui fût à même de contrôler l'une et l'autre à la fois. Il en a trouvé le principe dans la série (Reihe). Il n'y a plus désormais de mélodie et d'harmonie, mais un concept global qui les réunit en une seule entité. « Les éléments d'une pensée musicale – mélodie, rythme et harmonie – sont reliés entre eux d'une part au moyen de sons qui se succèdent l'un à l'autre horizontalement, d'autre part au moyen de sons synchrones verticalement » (Theory of Harmony).
Si l'on contraint les douze éléments de la gamme tempérée à apparaître au sein de la polyphonie dans un ordre donné, on obtient une série : une série est donc définie à l'octave près. Théoriquement, elle peut être choisie parmi les 12! = 479 001 600 permutations de douze sons (12! s'énonce « factorielle 12 » et vaut 1 × 2 × 3 × 4 × 5 × ... × 12). Pratiquement, cependant, Schönberg et les autres théoriciens préconisent un choix parmi celles qui peuvent offrir des possibilités architectoniques (symétries des intervalles, caractères « thématiques », possibilités de développement, etc.). Cet ordre imposé confère à la série un pouvoir organisateur qui est utilisé pour donner une cohérence au discours musical.
Lorsqu'on énonce les éléments d'une série en les lisant de gauche à droite, on définit sa forme dite fondamentale (F). Voici celle qu'utilise Schönberg dans ses Variations pour orchestre :
Les éléments de F lus de droite à gauche constituent la forme récurrente (R) :
Les symétriques des éléments de F, lus de gauche à droite, constituent la forme renversée (V) de la série :
qui, lue de droite à gauche, donne la forme récurrente-renversée (RV) :Chacune de ces quatre formes peut être transposée douze fois par l'addition d'une constante, et l'on a par exemple :
« Exposer » une des quarante-huit formes d'une série donnée, c'est disposer la polyphonie de telle façon que les douze notes y apparaissent dans l'ordre défini par cette forme, étant entendu que l'apparition simultanée de deux ou davantage d'éléments consécutifs est licite. Si donc nous considérons un tableau rectangulaire, dont les lignes correspondent aux voix de la polyphonie ou à des instruments, les colonnes à des dates rangées par ordre croissant, l'exposition d'une des quarante-huit formes de la série peut être représentée schématiquement par l'énumération des douze éléments de cette forme, en suivant un itinéraire passant par douze cases et tel qu'il ne tourne jamais vers la gauche. Voici un exemple d'itinéraire conforme à cette définition dans un tableau comportant cinq voix et seize dates (soit cinq lignes et seize colonnes).
Énumérant dans les douze cases parcourues par cet itinéraire, les douze notes de R + 5 par exemple, on obtient :
Les opérations décrites ci-dessus définissent douze attaques de douze sons dont la prolongation n'obéit à aucune loi écrite. Quant à la localisation de ces douze sons dans des octaves, elle doit, bien entendu, tenir compte de la tessiture des instruments employés. L'observation des textes montre que les intervalles très disjoints y sont généralement préférés aux intervalles courts.
Plusieurs formes de la série peuvent être exposées en même[...]
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Écrit par
- Pierre BARBAUD : chef de projet à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA)
- Rémi LENGAGNE : ingénieur, Conservatoire national des arts et métiers, assistant du chargé de projet informatique musicale à l'Institut national de recherche en informatique et automatique, Le Chesnay
Classification
Médias
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