MUSIQUE CONTEMPORAINE Les musiques électro-acoustiques
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L' électro-acoustique est l'ensemble des techniques d'application de l'électricité ou de l'électronique au domaine de l'acoustique, et les termes de musique électro-acoustique désignent, globalement, tout phénomène de caractère musical qui utilise ces techniques dans son processus de réalisation ou de diffusion. Pratiquement, ces musiques font usage, à un moment donné, d'un haut-parleur, seul élément capable de réaliser le pont entre l'électronique et l'oreille. De ce fait, on peut proposer la définition simple et générale suivante : une musique peut être qualifiée d'électro-acoustique si, pour l'entendre, il faut nécessairement faire appel à un haut-parleur précédé d'un ensemble d'appareils formant une chaîne électro-acoustique.
Les musiques électro-acoustiques sont donc définies par les moyens mis en œuvre pour leur production plutôt que par les caractères musicaux précis qui les distingueraient des autres, et plus particulièrement de la musique instrumentale à laquelle il est habituel de les opposer. Toutefois, la manière d'utiliser ces moyens détermine trois catégories : les musiques qui acquièrent un caractère électro-acoustique par emploi d'une technique d'enregistrement ou de diffusion ; celles qui sont produites à l'aide d' instruments électro-acoustiques utilisés seuls ou dans des ensembles d'instruments traditionnels ; enfin les musiques obtenues par des moyens essentiellement électro-acoustiques, et qui visent à créer ou à développer un langage spécifique. Cette dernière catégorie, qui se rapporte à une partie de l'ensemble des musiques expérimentales, rassemble, sous le terme générique de musique électro-acoustique, de nombreuses tendances esthétiques et de nombreuses expériences, allant de la musique concrète à la musique de source purement électronique.
L'apparition de nouvelles techniques a, de tout temps, excité l'imagination des musiciens. Ils ont su perfectionner leurs instruments ou en créer d'autres, en détournant le plus souvent des découvertes ou des inventions destinées, a priori, à d'autres applications que la musique. Ainsi, au milieu du xixe siècle marqué par le progrès scientifique, Adolphe Sax inventa la famille des saxophones, fruit d'une étude poussée des principes physiques de l'acoustique connus à cette époque.
Le saxophone fut le dernier des instruments fonctionnant uniquement selon des principes mécaniques à avoir été adopté parmi ceux de l'orchestre. Depuis le début du xxe siècle, les instruments électro-acoustiques furent pratiquement les seuls instruments nouveaux qui prirent de l'importance (guitare électrique, piano et orgue électroniques, synthétiseur, entre autres).
À quelques rares applications auxiliaires près, comme par exemple la commande électromécanique ou informatique des orgues, les techniques strictement électriques n'eurent pas de retentissement dans le domaine de la musique. En revanche, le développement de l'électronique et, surtout, l'invention des capteurs et des transducteurs électro-magnétiques (micros, haut-parleurs) permirent l'essor extraordinaire de l'électro-acoustique, avec l'apparition des techniques d'enregistrement, de reproduction, d'amplification et de diffusion du son. Cet essor a profondément marqué l'histoire de la musique du xxe siècle.
En effet, aujourd'hui, la part des musiques exécutées et écoutées directement par le seul canal acoustique est très faible, comparée à celle des musiques écoutées (ou seulement perçues) par les canaux électro-acoustiques (cinéma, télévision, disques, radio, etc.). Grâce aux possibilités de l'électro-acoustique, la musique (toutes les musiques) est devenue un élément permanent et banalisé de la vie quotidienne. Alors qu'autrefois écouter ou faire de la musique était une action exceptionnelle et volontaire, aujourd'hui personne, mélomane ou pas, n'échappe au phénomène de la diffusion de la musique par les mass media. Parce que l'électro-acoustique permet de conserver et de diffuser de la musique à bon compte, on a pu produire de la musique en tant que bien de consommation destiné à conquérir le plus de marchés possible.
Incidence des canaux électro-acoustiques sur la musique
Certaines musiques, bien que conçues et écrites comme des musiques instrumentales, ne sauraient avoir d'existence autrement que grâce à une diffusion électro-acoustique. C'est le cas, entre autres, de la musique d'ambiance, dont les objectifs strictement fonctionnels (influencer l'auditeur dans un but précis et utilitaire, le confort ou la productivité) nécessitent une mise en œuvre sur les lieux mêmes d'utilisation. Il est évident que, pour des raisons économiques et pratiques, ces systèmes ne peuvent être appliqués que sous la forme de programmes enregistrés et diffusés par haut-parleurs.
Les musiques qui accompagnent les films sont également associées à un traitement électro-acoustique par des nécessités technologiques. La relation entre l'image et le son a permis aux compositeurs d'imaginer des effets d'écriture qui auraient été inadéquats en d'autres circonstances.
L'écoute d'une musique classique, ou de variétés, par le canal électro-acoustique modifie profondément la qualité du message musical. Il y a une grande différence entre l'audition d'une symphonie classique dans une salle de concert au milieu d'un public et l'écoute de cette même symphonie chez soi dans l'intimité d'un salon, sous la forme d'un enregistrement restitué par une chaîne « haute fidélité ». Si les différences de circonstances et de conditions d'écoute sont évidentes, celle du rôle que joue dans chaque cas l' auditeur l'est moins. Au concert, ce dernier est présent mais passif : il n'a pas la possibilité de modifier le message proposé par l'orchestre. Chez lui, au contraire, il peut déformer le message initial en modifiant, s'il le souhaite, le niveau d'écoute, l'équilibre des timbres, les nuances, ou encore la durée et la tonalité de l'œuvre. Cette possibilité d'agir sur l'esprit d'un message musical par d'autres moyens que ceux imaginés par le compositeur (instruments, direction d'orchestre, etc.) est caractéristique de l'empreinte qui marque toute musique traitée par les techniques électro-acoustiques.
Bien que, paradoxalement, les techniques électro-acoustiques d'enregistrement et de traitement des sons confèrent, de fait, un caractère particulier à la plupart des musiques écoutées par nos contemporains, celui-ci reste cependant surajouté à la musique. Il ne s'inscrit pas dans le code, toujours vivant, de la musique traditionnelle occidentale, qui considère encore le concert comme le modèle unique et idéal de communication musicale. Rares sont les compositeurs qui écrivent leur partition en tenant compte de l'éventuel enregistrement ou retransmission radiophonique de leurs œuvres.
Cependant, la musique de variétés a su, elle, largement profiter des possibilités offertes par les techniques de studio et de sonorisation et par les instruments électro-acoustiques. Cette sonorisation a bouleversé l'histoire de la chanson en rendant possible l'audition de voix peu puissantes ou aux nuances faibles à un très large public. Dans les studios, la pratique des effets sonores a créé un style de travail qui donne aux techniciens preneurs de sons et, surtout, aux musiciens mélangeurs une importance prépondérante dans la conception de la réalisation d'œuvres musicales qui, bien que toujours dépendantes du système musical traditionnel, ne peuvent être entendues que par le seul canal électro-acoustique.
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Écrit par
- André-Pierre BOESWILLWALD : compositeur, membre fondateur de la Confédération internationale des musiques électro-acoustiques (C.I.M.E.-U.N.E.S.C.O.), chercheur au Groupe de musique électro-acoustique de Bourges, professeur au Conservatoire national de la région d'Amiens, conseiller fondateur du studio Delta P à La Rochelle
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- RADIODIFFUSION
- AMPLIFICATEURS
- GROUPE DE RECHERCHES MUSICALES (GRM)
- GROUPE DE MUSIQUE EXPÉRIMENTALE DE BOURGES
- CÉMAMU (Centre d'études de mathématique et d'automatique musicales)
- HAUT-PARLEUR
- STUDIO D'ENREGISTREMENT SONORE
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