MUSIQUE CONTEMPORAINE Les musiques électro-acoustiques
Les courants de la musique électro-acoustique
Après la dernière guerre mondiale, la musique occidentale est entrée dans une période de crise qui n'est toujours pas terminée. Engagés dans des systèmes d'écriture de plus en plus intellectuels et principalement dans l'aventure sérielle et ses développements, les compositeurs produisent des œuvres qui n'intéressent plus qu'un public très spécialisé, alors que la majorité des mélomanes se réfugie dans l'écoute des œuvres du passé, constamment diffusées par les mass media.
Le système musical classique semble épuisé, et beaucoup de compositeurs ressentent comme une nécessité vitale le besoin de changer les règles, d'aller voir ailleurs. Les compositeurs contemporains se transforment en chercheurs, et la musique devient expérimentale : la musique électro-acoustique est née dans cette situation.
Notons que le terme de musique électro-acoustique n'est apparu que tardivement. Il rassemble, sous une même appellation, toutes les tendances esthétiques issues de l'utilisation expérimentale de l'électro-acoustique.
Deux grands courants marquent les débuts de cette histoire : la musique concrète et la musique électronique.
C'est dans le cadre de l'art radiophonique qu'est apparue la musique concrète, vers 1948. À cette époque, les techniciens de la radio découvraient que les décors sonores et les effets sonores pouvaient être de puissants moyens d'expression. Pierre Schaeffer, ingénieur et musicien, qui travaillait alors au Club d'essai de la Radio française, comprit que la manipulation des sons et des éléments de prise de sons pouvait susciter un art nouveau, aux frontières du texte et de la musique. Il travailla systématiquement sur le pouvoir expressif des sons enregistrés et s'intéressa surtout à leur valeur sonore, indépendante de la cause ou de l'instrument qui les produit. Il rassembla des quantités de fragments de prise de sons, y compris ceux qui avaient subi des accidents (sillon de disque fermé, par exemple) et chercha à les organiser par la technique du montage. Il en résulta une série d'études mettant en évidence une musique de sons non identifiables et de bruits (par exemple, Étude aux chemins de fer, 1948 ; Étude aux objets, 1959). Cette musique ne peut être réalisée que sur le tas, dans le studio. La complexité des phénomènes mis en jeu interdit une représentation préalable et abstraite de l'œuvre. La composition devient un acte physique, portant sur des objets sonores concrets. La musique concrète offrait ainsi aux musiciens un champ d'investigations nouveau, complètement indépendant des règles traditionnelles de la musique occidentale. Certains, comme Pierre Henry, ne firent plus d'autre musique. Citons Variations pour une porte et un soupir (1963), Dieu (1978) et La Dixième Symphonie de Beethoven (1986).
En 1950, c'est également dans des studios de radio, ceux de la Nordwestdeutscher Rundfunk à Cologne, qu'est née, sous l'impulsion de Herbert Eimert, la musique électronique. Contrairement à la musique concrète, qui n'utilise que des sons captés par micro, la musique électronique est produite uniquement par des générateurs de fréquences électroniques. Dans les studios de Cologne, il n'était pas question de changer radicalement les règles de la musique, mais de les faire évoluer vers les extrêmes limites de leurs possibilités comme dans Variations sur Anton von Webern, de H. Eimert. Grâce aux instruments électro-acoustiques, il devenait possible d'aller plus vite que le plus grand virtuose, de jouer sur des nuances de timbres et de hauteurs très grandes ou très petites ; et surtout, grâce à la précision des appareils, on pouvait envisager une musique sérielle exacerbée. Des compositeurs, aidés par des techniciens, ont tenté d'écrire des partitions pour[...]
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Écrit par
- André-Pierre BOESWILLWALD : compositeur, membre fondateur de la Confédération internationale des musiques électro-acoustiques (C.I.M.E.-U.N.E.S.C.O.), chercheur au Groupe de musique électro-acoustique de Bourges, professeur au Conservatoire national de la région d'Amiens, conseiller fondateur du studio Delta P à La Rochelle
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Médias
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