MUSIQUE CONTEMPORAINE Vue d'ensemble
L a musique contemporaine se flatte de produire et de faire entendre des sons nouveaux, même s'ils sont élaborés avec les moyens traditionnels. Elle continue d'utiliser, en effet, l'orchestre classique, adapté bien sûr, avec généralement une masse d'instruments à vent et à percussion plus importante qu'autrefois. Et, surtout, les dispositions instrumentales ne respectent plus la division habituelle des pupitres ; elles font éclater l'orchestre, qu'elles atomisent en autant de parties individuelles qu'il y a d'instruments en jeu (d'où ces partitions géantes écrites sur plusieurs dizaines de portées distinctes), quand ce n'est pas en petits sous-groupes, voire en sous-orchestres.
Edgar Varèse avait annoncé, au début du xxe siècle, une musique fondée sur la sonorité, sur le dynamisme de l'émission sonore. La musique contemporaine utilise, dans ce but, de nouveaux procédés d'émission du son : par le souffle, par l'archet, par la main, si bien que le son obtenu n'a souvent plus rien de commun avec le son « normal » de l'instrument. Cet aspect de « laboratoire de sonorités », de prospection sonore, est la caractéristique la plus évidente de la plupart des recherches, celle qui se manifeste le plus directement aux oreilles des auditeurs. Sans parler de certains instruments électroniques, comme l'onde Martenot, qui sont parvenus à s'intégrer dans l'orchestre classique, deux appareils ont contribué, par ailleurs, à bouleverser radicalement la problématique des sources sonores : le magnétophone et le synthétiseur. Il faut tenir compte également du micro ; employé pour une exécution instrumentale en direct, ce dernier, en effet, modifie complètement les lois habituelles de l'instrumentation ; il permet de faire ressortir n'importe quel son, même le plus infime.
Ainsi, la musique contemporaine n'offre pas seulement un éventail de sonorités inédites mais également des possibilités sonores suscitant de nouvelles démarches, qui l'ont scindé en deux courants : une musique toujours exécutée en direct, mais utilisant très souvent des appareils qui modifient le son en temps réel (le synthétiseur et l'ordinateur) ; une musique pré-enregistrée, la musique électro-acoustique, constituée d'images sonores enregistrées et composées sur un support analogue à la pellicule d'un film.
En 1945, la situation pouvait sembler assez claire : d'un côté, les gardiens d'une tonalité préservée, même élargie ; de l'autre, les compositeurs « sériels », adeptes convaincus du dodécaphonisme qu'ils pensaient voir définitivement succéder à la tonalité (faut-il rappeler que les lois sérielles sont très précisément anti-tonales, c'est-à-dire édictées tout exprès pour battre en brèche le sentiment tonal, si prompt à revenir, tel le naturel, dès qu'on l'a chassé ?). Or il n'a pas fallu vingt ans pour que le système sériel devienne plus ou moins caduc et pour que la tonalité réapparaisse dans les œuvres dites d'« avant-garde », avec des pièces comme Stimmung, de Karlheinz Stockhausen (ancien « sériel » militant), ou In C de Terry Riley, l'un des pionniers de cette néo-tonalité. Cependant, l'emploi de cette tonalité généralement statique qui marque les œuvres nouvelles ne rétablit pas pour autant les fonctions tonales traditionnelles, telles les modulations, la dissonance et sa résolution. En fait, ces œuvres s'inscrivent plutôt dans une ambiance tonale, alors que leur discours se situe sur un tout autre plan, dans des évolutions de densités, d'épaisseurs ou de rythmes. (Lontano, pour orchestre, de György Ligeti en est un exemple.) Et l'on comprend bien pourquoi : la révolution sérielle conservait la hauteur comme « paramètre » essentiel, malgré quelques[...]
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Écrit par
- Michel CHION : écrivain, compositeur, réalisateur, maître de conférences émérite à l'université de Paris-III
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