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CRÉOLE MUSIQUE

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La musique créole des Caraïbes

Dans le sillage de la colonisation fondée sur le système esclavagiste jusqu'au xixe siècle, la musique africaine a imposé ses rythmes, ses instruments et ses genres, surtout en Haïti, à Cuba, dans les îles et au Brésil. Dans les archipels caraïbes, les Amérindiens, ayant disparu, victimes de la conquête, influencèrent moins la musique populaire que les indigènes du continent, qui échappèrent en partie au massacre. Toutefois, une population métissée d’Africains et d'Amérindiens, les Black Karibs de Saint-Vincent, déportés au Honduras en 1796, s'établit au Belize, au Guatemala, au Honduras et au Nicaragua. On distingue dans leur musique les genres dansés et ceux qui ne le sont pas. Parmi les premiers, citons les genres berusu (chants à la guitare), abaimahani (version féminine), arumahini (version masculine), eremunaegi (chants de travail avec accompagnement de tambours, shaka [crécelles] ou guitare) et hungu (hu) ngu. La musique des Karibs Garifunas différencie la punta, dansée en couples, de la wanaragua, danse pour hommes, et de la chumba, danse pour femmes, sur accompagnement de tambours.

Les influences amérindiennes, hispaniques et africaines se combinent dans les Caraïbes occidentales. On les retrouve dans les instruments de musique du Venezuela : fotuto – trompe en coquillage –, botuto – trompette en terre cuite –, cumaco– tambour –, les instruments à percussion d'origine africaine (furruca, curveta – tambour – et son). De nombreuses danses sont d'ascendance africaine et hispanique au Venezuela : corrido et galerón (romances), tomo (chansons polyphoniques), joropo (chanson à trois temps). De telles influences sont perceptibles en Colombie, dans les danses : porro (danse binaire), guabina (danse ternaire), pasillo (alternance de rythmes 3/4 et 6/8), tornellino (tourbillon), bambuco (de Bambuc, une ville africaine) et galerón (ballade chantée). Au Costa Rica, le puntoguanacasteco, qui se joue sur la marimba, s'apparente à la habanera espagnole. L'élément indien prédomine dans les danses du Nicaragua (toro venado, toro huaco, zopilote, güegüence), alors que les Ibériques ont marqué les chansons : corrido, romance, pregón, amanesqueras, etc.

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Les traditions africaines où prédominent les tambours se sont imposées pour invoquer les dieux Ogun, Xango et Yemaya. Battre le tambour joue un rôle fondamental dans le vaudou haïtien. Plusieurs types de tambours rada (adjunto ou manman,hounto et boula) constituent l'orchestre des rituels congo ou petro avec l'ogan, cloche de fer à battant extérieur. Considéré comme un objet sacré, le grand tambour assoto, frappé par des hounsi, ne bat que dans des circonstances exceptionnelles. Les chants entonnés par les prêtresses mambo et les hounsi sont associés aux danses petro (kita, boumba), yanvalou, nago, congo, banda, mazone, crabigné et gragement exécutées pour célébrer le culte des Loa, ces esprits d'origine africaine.

La musique d’influence africaine s'est imposée à Cuba au travers des cérémonies de la Santería. Les cultes afro-cubains sont au nombre de quatre : lucumi ou anago, mayombe, abakua ou nañigo et vaudou haïtien ou Arara pratiqué par les travailleurs immigrés haïtiens. L'orchestre de la musique secrète comprend comme instruments : tumba, conga – sortes de tambours –, bongo – deux petits tambours dont l'un émet un son aigu, l'autre un son grave –, agogo – sorte de cymbale –, clave – deux pièces de bois heurtées –, guïro, maracas, quijidadelburro et cencerro. Au cours des fêtes publiques, bembés ou fiestas de solar, s'improvisaient chants et danses rituels, connus sous le nom de guaguanco ou solares. C'est de ces bembés que dériveraient les rythmes et formes musicaux divers : cinquillo, rumba, son,caringa, guaracha, mambo, conga, cha-cha, pachanga et la habanera au rythme lent à deux temps.

Dans les Indes occidentales, anciennes colonies britanniques, la musique procède également des cérémonies rituelles kumina, convince, cumga, jonkonnu, warri. L'orchestre se compose d'instruments africains ou créoles : flûtes caramanti, flûte des marrons, flûte-nez, abenghorn, violon de bouche ou bender (bentaen twi), banjo (banjaou bangil), rookaw,jenkoving, cotter ou colta (tambour ibo), bon oupanya, gomba et divers racleurs en gourdes. Dans les îles colonisées par la France – Guadeloupe, Martinique, Sainte-Lucie – s'est imposée la musique des esclaves africains, accompagnée par les tambours, le guiro, le banza – sorte de pandore – et les maracas. Les danses d'origine africaine, calenda ou chica (danse de la fécondité), biguine, grage, lérose, roulé, mayoleur et guiambel ne se dissocient pas des bel airs d'inspiration euro-africaine et des rythmes du ngoka.

Danses de salon - crédits : Topical Press Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

Danses de salon

La musique amérindienne du Brésil possède des chants caractéristiques : No-za-ni, Na U-Ré Ku-A, Ku-A-Na et la magnifique Canidé lune-Sabbath, la forme la plus répandue de l'art indien, et le cataré ou catira. Les apports africains s'observent dans les instruments atabaque, cuica (tambours), marimba, matraca, ganza, agogo, clochette yoruba, afoque, petite flûte de bois et berimbão, arc musical. L'orchestre brésilien comporte aussi le vialao, variété de guitare plate, le cavaquinho, sorte de viole, le canambri, sorte de tambour, le puita, le xucalho et le reco-reco, des racleurs-crécelles. Une collection de chants d’inspiration africaine a été recueillie en 1941-1942. Ils invoquent Yemanja, la déesse de la Mer (la Yemaya du panthéon yoruba, sœur de Xango), Dandalunda, Nana et saint Juremeiro, une divinité du culte caboclo. Les formes musicales typiques, lundus pour chanter, batuques et sambas pour danser, s'accompagnent du bores, sorte de trompette, de l'incubias, sorte de cor de chasse, et d'instruments à percussion tels que les cuicas (tambours à friction), les recorecos (bambou) et les chocalhos (hochets de métal). Parmi les danses d’origine africaine, on distingue les danses dramatiques (congada et quilombos), les danses liturgiques (candomblé, macumba et xango) et les danses populaires (batuque, congo, coco, jougo, lundu, mocambique, samba, etc.). L'influence portugaise s'exprima à travers les modas, les fados, les solaos (sérénades), les acalantos (berceuses) et se combina aux rythmes espagnols : tyranne, bolero, fandango. La habanera a donné naissance au tanguinho. Il existe une grande variété de formes de danses et de chansons comme la seresta, l'embolada, le jongo, la chula, l'abolo, le côco, le carretilha, le martello, la tayera, l'arrazar, le tôada, le cortajaca. Mais la forme la plus nationale s'identifie aux saudades, où l'on distingue la modinha portugaise du xviiie siècle, la samba ternaire et le chôro strictement instrumental, la marcha et la maxixe. Dans une série de quatorze chôros datant de 1924-1929, Heitor Villa-Lobos (1887-1959) a voulu « synthétiser les différentes modalités de la musique brésilienne, indienne et populaire ».

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Avec ses racines africaines, la musique populaire des Caraïbes triomphe à l'époque du carnaval, que ce soit à Rio de Janeiro, à Port-au-Prince, à Port of Spain ou à Panamá. Les traditions africaines ont également donné naissance au jazz dans le sud des États-Unis.

— Oruno D. LARA

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Écrit par

  • : professeur d'histoire, directeur du Centre de recherches Caraïbes-Amériques

Classification

Média

Danses de salon - crédits : Topical Press Agency/ Hulton Archive/ Getty Images

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