Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CHAMBRE MUSIQUE DE

J. Haydn - crédits : DEA / A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

J. Haydn

Au sens moderne, « musique de chambre » est une expression générique s'appliquant à des compositions pour un petit nombre d'instruments solistes. Jusqu'à la fin du xviie siècle, avant l'apparition des concerts publics, le terme désigne une musique destinée à être jouée chez un particulier, fût-ce un roi, par opposition à la musique d'église et à la musique de théâtre (Louis XIV crée la charge de maître de la Musique de la Chambre du Roy). La musique « de chambre » est alors instrumentale ou vocale, et elle est écrite soit pour solistes, soit pour de nombreux effectifs ; mécènes et interprètes amateurs jouent dans son processus de production un rôle important. Au milieu du xviiie siècle, la distinction entre musique de chambre, au sens moderne, et musique d'orchestre est encore assez floue (quatuors pour orchestre de Carl Stamitz, 1770 et 1774). Elle devient nette vers 1770, époque à partir de laquelle Joseph Haydn et Wolfgang Amadeus Mozart écrivent consciemment des symphonies pour orchestre jouées en public par des professionnels, d'une part, et des quatuors à cordes conçus essentiellement à l'usage des amateurs, d'autre part. Paradoxalement, les seconds ne le cèdent pas aux premières en complexité, bien au contraire. Et la dédicace par Mozart, en 1785, de six de ses plus grands quatuors à un autre compositeur (Haydn), puis la fondation des premiers « quatuors » de professionnels (par Ignaz Schuppanzigh, vers 1804) témoignent en la matière de la revanche définitive aussi bien du créateur sur l'interprète amateur que de la salle de concert sur les intérieurs privés. La situation restera sensiblement la même tout au long du xixe siècle : production abondante, avec les duos, trios, quatuors, quintettes, sextuors, septuors, octuors et nonettes de Beethoven, Schubert, Spohr, Weber, Mendelssohn, Schumann, Brahms, Smetana, Dvořák, Tchaïkovski, Saint-Saëns, César Franck et de bien d'autres ; exécution de cette musique aussi bien au concert (phénomène de la « petite salle ») que chez soi ; frontières en principe bien tracées entre musique de chambre et musique d'orchestre, en fait parfois assez peu étanches (orchestration « musique de chambre » de la Quatrième Symphonie de Brahms et sonorités « orchestrales » de ses sonates pour piano ; souvent, chez ceux qui adoptent les deux tendances, les audaces harmoniques et formelles sont plus grandes encore dans la musique de chambre, dans les quatuors de Beethoven, par exemple, que dans la symphonie) ; typologie particulière de l'auditeur (pour ne pas parler de l'interprète amateur) de musique de chambre, en général plus compétent techniquement que l'habitué des concerts. Enfin, aux alentours de 1900, se produit un nouvel éclatement : Mahler a tendance à traiter en soliste chaque membre d'un orchestre aux effectifs pourtant très nombreux ; Schönberg, avec La Nuit transfigurée (Verklärte Nacht, 1899), fait relever la musique de chambre (il s'agit d'un sextuor à cordes) du poème symphonique, avant de faire scandale avec ses Quatuors à cordes no 1, opus 7 (1904-1905) et no 2, avec voix, opus 10 (1907-1908) – points de départ de la musique du XXe siècle – et sa Symphonie de chambre no 1, opus 9 (1906), au titre symbolique : avec cette dernière (15 instruments solistes), la musique de chambre lâche définitivement les amateurs et les intérieurs privés tout en rejoignant l'orchestre sur un terrain nouveau. Il y a bien au même moment les quatuors de Debussy et de Ravel ; il y aura ceux de Bartók et de Berg, le Livre pour quatuor de Boulez et Archipel II de Boucourechliev : le début du xxe siècle n'en voit pas moins se poursuivre la tendance, déjà assez nette dans les deux derniers tiers du xixe, à la disparition du quatuor à cordes comme centre de gravité[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

J. Haydn - crédits : DEA / A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

J. Haydn

Autres références

  • ANGELICH NICHOLAS (1970-2022)

    • Écrit par
    • 576 mots

    Nicholas Angelich naît le 14 décembre 1970 à Cincinnati (Ohio), au sein d’une famille originaire d’Europe centrale. Le père joue du violon et la mère pratique le piano. C’est elle qui guide les débuts de l’enfant au clavier. Ses progrès sont si rapides qu’il peut donner dès l’âge de sept...

  • ARENSKI ANTON STEPANOVITCH (1861-1906)

    • Écrit par
    • 660 mots

    Le compositeur russe Anton Stepanovitch Arenski naît le 12 juillet (nouveau style ; 30 juin, ancien style) 1861 à Novgorod, dans une famille musicienne qui l'encourage à développer ses dons précoces : son père, médecin, joue du violoncelle ; sa mère, excellente pianiste, lui donnera ses premières leçons...

  • ARGERICH MARTHA (1941- )

    • Écrit par
    • 1 385 mots

    Rien ne semble pouvoir contraindre la pianiste argentine Martha Argerich à plier sa vie personnelle et professionnelle aux normes communément admises. Dotée de moyens hors du commun et d'une aisance instrumentale qui défie l'entendement, elle fascine et déconcerte tout à la fois. Imprévisible, elle...

  • BADURA-SKODA PAUL (1927-2019)

    • Écrit par
    • 673 mots

    Issu d’une famille d’ascendance hongroise et morave, Paul Badura-Skoda naît à Vienne le 6 octobre 1927. Il étudie le piano et la direction d’orchestre au conservatoire de la capitale autrichienne sous la férule de Martha Wiesenthal, Viola Thern et Otto Schulhof. Il y obtient en 1948 les...

  • Afficher les 54 références