RELIGIEUSE CHRÉTIENNE MUSIQUE
La musique tient une place importante dans le rituel religieux. Elle change la disponibilité en aspiration et, par là, favorise l'approche du surnaturel. Toutefois, l'action transformatrice ne résulte pas d'une manifestation extérieure, d'un dédoublement analogue à une opération intellectuelle. Les sons « venant du cœur » possèdent une qualité intérieure, et les récitations cantillées, psalmodiées, chantées offrent, sans cesse, la possibilité de « vivre la vraie vie ». La fonction de la musique dite religieuse consiste donc à établir un certain nombre de relations. D'abord une relation directe avec la divinité : la musique agit sur les « ressorts intérieurs » et produit un état depuis longtemps désiré. Le chantre comme le fidèle qui l'écoute se haussent au-dessus d'eux-mêmes. Puis la musique religieuse contribue au développement de la relation avec autrui ; dans ce cas, on la compare à une « praxis », à une technique. Elle permet d'atteindre à la non-possession de soi, au dépouillement, et, en conséquence, incite à la fusion des consciences. De plus, ce genre musical aide à la concentration : il s'agit de se libérer de tout souci matériel, de tout égoïsme, pour parvenir, à travers les sons, à l'universel et au permanent, au silence, à Dieu.
Les origines
L' absence de documents écrits ne permet pas de déterminer quels étaient, au juste, les chants des premiers chrétiens. On admet aujourd'hui que ces chants, transmis oralement, provenaient en grande partie de la Synagogue. Une phrase de saint Paul, écrite de sa prison avant le martyre (64), nous renseigne à ce sujet : « Avec des psaumes, des hymnes, des cantiques spirituels, chantez de tout votre cœur votre reconnaissance à Dieu. » Le chant ecclésial se développe donc en dehors de toute considération artistique et, durant trois cents ans, le musicien professionnel n'est pas admis comme tel. Il faut attendre le concile de Laodicée (481) pour que des « chantres canoniques » participent au culte. L'emprunt à Isaïe du Sanctus, au culte hébraïque des acclamations Amen !, Alleluia ! et de la mélodie des psaumes et des cantiques ne fait pas de doute. Cependant, à partir du ive siècle, nombre de chants ne doivent plus rien à la Synagogue. À cette époque, le rituel, jusqu'alors commun, malgré quelques divergences, à l'Orient et à l'Occident, accueille deux formulaires : le grec et le latin. Deux conceptions liturgiques semblent s'opposer : l'orientale, expansive, aux ornements sans cesse renouvelés, aux formes variées (l'Orient possède trois messes, celles de saint Basile, de saint Grégoire le Thaumaturge et de saint Jean Chrysostome), et l'occidentale, méditative, qui tend à l'analyse et, malgré cela, réussit à unifier le rite. Ces différences n'empêchent d'ailleurs pas les « coutumes orientales » de s'infiltrer dans la liturgie de l'Occident. Les litanies hébraïques, par exemple, continuent à donner leur forme (appelée « responsoriale » selon Hippolyte et Tertullien) à la Didakhê ou Doctrine des Apôtres. Au cours de cette prière récitée par l'officiant s'intercalent les « Gloire à toi... » de l'assemblée. Les litanies deviennent, plus tard, les preces ou invocations en vers rythmiques. Les vocalises des cultes gnostiques se perpétuent dans le jubilus. La cantillation du prophète biblique (cf. traditions musicales - Musique hébraïque) ou de l'aède grec, à mi-chemin entre le parlé et le chanté (selon Boèce, « le langage parlé va vite et l'auditeur risque de laisser échapper quelques mots »), sert de modèle aux lectures de la messe, notamment à celles de l'Évangile. On peut aussi déceler une influence orientale dans les chants ambrosien, gallican et mozarabe, formes qui, en Occident, précèdent le grégorien.[...]
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Écrit par
- Jacques PORTE : musicologue
- Edith WEBER : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, professeur à l'Institut catholique de Paris, docteur ès lettres et sciences humaines
Classification
Médias
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