RELIGIEUSE CHRÉTIENNE MUSIQUE
Les traditions
Les rites syriens
Dès l'année 43, la Syrie, à cause du rayonnement de l'Église d'Antioche, devient, après Jérusalem, le centre du christianisme oriental. Après l'hérétique Bardesane (iie siècle) et son fils Harmonios, au nom prometteur, saint Éphrem (mort en 378) écrit, dans le désert, près de quatre cents poèmes dont il compose la musique. Ces hymnes très populaires sont de courtes pièces dont l'ambitus de la mélodie ne dépasse guère la quarte, la quinte ou la sixte. Ils constituent, avec le chant des jacobites monophysites, le patrimoine des Syriens occidentaux. Les Syriens orientaux, en particulier les nestoriens, doivent beaucoup à Babai de Gebilta (viiie siècle) qui, par une réforme audacieuse, élimine les airs locaux.
À propos du chant syrien, deux faits sont à signaler. L'usage du chant « antiphoné », c'est-à-dire chanté alternativement par une partie et par l'autre des fidèles, semble avoir pris naissance en Syrie sous l'égide de saint Paul. Par ailleurs, l'Église maronite-syrienne, séparée des monophysites, dont le répertoire paraît hétérogène à cause de l'adaptation ou de l'« accommodation » à la langue arabe, utilise le procédé de la « centonisation » : on juxtapose de courtes formules, établies à l'avance, pour éviter tout apport personnel.
Le chant byzantin
Orientale, elle aussi, la musique byzantine puise aux sources hébraïques et syriennes, et non aux sources grecques antiques et romaines, pour vivre sa mystique. Dans son traité intitulé De la hiérarchie céleste, Denys l'Aréopagite ne soutient-il pas que la musique sacrée « n'est autre qu'une révélation » ? Non seulement le rite et la musique témoignent, ici, d'une rare cohérence, mais la musique franchit ses limites historiques et géographiques. On la définit, en général, comme la musique grecque orthodoxe de la période comprise entre le vie et le xve siècle. Or, cette musique laisse une impression d'éternité. D'une part, elle survit lors de l'invasion par les croisés et, après la chute de Constantinople (1453), se métamorphose en « musique néo-byzantine ». D'autre part, le fonds musical de Byzance, par l'intermédiaire des saints Cyrille et Méthode, pénètre par la Bulgarie (865) en Russie. Ce dernier pays, à l'exemple de la Grèce et de la Serbie, a conservé jusqu'à nos jours la précieuse substance. Chose rare, les structures du rite byzantin, « immense poème dramatique », ne subissent depuis le viiie siècle aucun changement. C'est pourquoi Glinka, Tchaïkovski, Moussorgski, Rachmaninov et même Stravinski mêlent le chant d'église, ce chant traditionnel, aux mélodies populaires russes.
Le traité intitulé De ceremoniis, dont l'auteur est l'empereur Constantin VII Porphyrogénète (910-959), rapporte qu'une troupe de chanteurs constitue un chœur autant profane que religieux. Parmi les instruments, l'orgue utilisé dans les cérémonies ne pénètre point à l'église. Dans le domaine du chant liturgique (monodique), une forme poétique, le kontakion, avec ses dix-huit à vingt-quatre stances, commente le sermon du jour de fête auquel il se rapporte. Exécutée par un soliste, cette forme mélismatique s'enrichit souvent d'ajouts mélodiques. Après que Romanos le Mélode eut porté le kontakion à la perfection, celui-ci s'amenuise et, grâce à saint Jean Damascène et à saint Cosme de Jérusalem, apparaît le kanôn, composé de neuf odes d'après les cantiques bibliques. Les structures du kontakion et du kanôn se présentent ainsi : une strophe initiale, de style syllabique, appelée heirmos et consignée dans un recueil, l'heirmologion, sert de modèle aux strophes suivantes, les « tropaires ». Sortes de variations, aux inflexions simples et faciles[...]
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Écrit par
- Jacques PORTE : musicologue
- Edith WEBER : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, professeur à l'Institut catholique de Paris, docteur ès lettres et sciences humaines
Classification
Médias
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