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STOCHASTIQUE MUSIQUE

Le terme « stochastique » est issu du grec stokhastikos, dérivé de stokhasein, qui signifie « viser », « tendre vers un but » ; il désigne un processus qui relève du calcul des probabilités. Son application à la musique semble avoir été évoquée pour la première fois au début des années 1950, par deux des fondateurs de la théorie statistique de la communication (souvent appelée improprement théorie de l'information), Claude Shannon et Warren Weaver. L'expression « musique stochastique » est quant à elle indissociable du nom de Iannis Xenakis, qui, quelque temps après Shannon et Weaver, va l'utiliser pour désigner la méthode à laquelle il recourt afin de dépasser le paradoxe organique de la musique sérielle. Le compositeur avait en effet pris conscience qu'une surdétermination des paramètres musicaux par les techniques du sérialisme intégral aboutissait à une audition globalisante de phénomènes sonores indifférenciés, et il avait dégagé la notion de sons en masses, évoluant de façon asymptotique vers un état stable, un dessein : « La polyphonie linéaire se détruit d'elle même par sa complexité actuelle. Ce qu'on entend n'est en réalité qu'amas de notes à des registres variés. [...] Il y a par conséquent contradiction entre le système polyphonique linéaire et le résultat entendu, qui est surface, masse » (I. Xenakis, « La Crise de la musique sérielle », in Gravesaner Blätter, no 1, 1955). Xenakis décide d'adopter des processus compositionnels liés au calcul des probabilités : « Cette contradiction inhérente à la polyphonie disparaîtra lorsque l'indépendance des sons sera totale. En effet, les combinaisons linéaires et leurs superpositions polyphoniques n'étant plus opérantes, ce qui comptera sera la moyenne statistique des états isolés de transformation des composantes à un instant donné. [...] Il en résulte l'introduction de la notion de probabilité, qui implique d'ailleurs dans ce cas précis le calcul combinatoire. »

Le processus stochastique peut concerner la durée d'une note, celle d'un glissando, la dynamique, la sélection des instruments...

Il faut insister sur le fait que, chez Xenakis, le hasard est organisé, le processus aléatoire n'intervenant qu'au moment de la composition, pas au cours de l'interprétation. On n'a pas affaire à une œuvre ouverte, comme chez Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen ou Earle Brown. La démarche xénakienne se distingue aussi fondamentalement de l'attitude de John Cage faisant appel au hasard (tirages au sort du I Ching, par exemple) lors de la phase de composition et laissant la plupart du temps une immense liberté à l'interprète : l'œuvre est alors vraiment indéterminée.

Notons enfin que l'idée de musique stochastique est partie intégrante de la théorie esthétique du musicologue américain Leonard B. Meyer, qui assimile la musique à une chaîne de Markov, c'est-à-dire un processus dans lequel la probabilité d'un état dépend strictement des états antérieurs : l'œuvre musicale passe d'une phase initiale, où son degré d'incertitude est élevé, à une phase finale, hautement déterminée, tendant vers une certaine stabilité.

— Alain FÉRON

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  • : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio

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