TCHÈQUE MUSIQUE
L'histoire musicale des pays tchèques – Bohême et Moravie – est foisonnante mais méconnue.
Il ne subsiste pas de sources musicales antérieures à l'évangélisation par Cyrille et Méthode en Grande-Moravie (862-863). L'un des plus anciens cantiques tchèques est attribué à saint Adalbert, tué en 997 par les Slaves vieux-prussiens. Au xie siècle, la liturgie romaine supplante celle de Byzance. Des complaintes populaires, les koledy, remettent en cause le monopole des chants liturgiques. Au xiiie siècle, le Minnesang se propage depuis l'Allemagne. Sous l'impulsion de Guillaume de Machaut, qui entre en 1323 au service de Jean de Luxembourg, roi de Bohême, l'ars nova influence la polyphonie. Une école de Bohême mêlant traditions locales et influences étrangères apparaît et connaît son apogée avec Záviš ze Zapy (1350-1411) et Jan z Jenštejna (1350-1400).
Les révolutions hussites des xve et xvie siècles imprègnent le caractère tchèque : les hymnes religieuses se transforment en chants patriotiques ; les frères moraves de Jan Amos Komenský (Comenius, 1592-1670) publient des recueils de psaumes ; seuls les chants en tchèque sont autorisés à l'église. Coupé des influences européennes, le langage musical connaît une brusque interruption de son évolution. La Renaissance est presque exclusivement limitée à Prague, à la cour cosmopolite et maniériste de Rodolphe II de Habsbourg. Jacob Handl (Jacobus Gallus, 1550-1591) et Krystof Harant (1564-1621) replacent la musique tchèque dans un contexte européen.
L'âge baroque s'ouvre par la défaite hussite de la Montagne Blanche (1620). La musique va servir la reconquête catholique ; les ordres religieux forment des instituteurs-musiciens, les Kantors. Un baroque de Bohême aux tonalités étrangères se distingue alors d'un baroque spécifiquement tchèque, qu'Adam Václav Michna (1600-1676) puis Bohuslav Matěj Černohorský (1684-1742) et Jan Dismas Zelenka (1679-1745) conduisent à sa plus haute expression, ouvrant la voie à des compositeurs tchèques porteurs des germes du classicisme.
À l'âge des Lumières, la Bohême et la Moravie peuvent à juste titre être considérées comme le Conservatoire de l'Europe. La vie musicale s'intensifie, tant à Prague – avec les Brixi, les troupes d'opéra italiennes, les visites de Mozart, qui y crée Don Giovanni en 1787 – que dans les campagnes : la musique touche toutes les couches sociales.
Des musiciens tchèques dont l'apport à la genèse du classicisme est fondamental émigrent : Josef Mysliveček (1737-1781) triomphe en Italie, les Vranický participent à l'apogée du classicisme viennois, Johann Stamitz (1717-1757) élabore à Mannheim les bases de la symphonie classique, les Benda résident à Berlin et en Prusse, Anton Reicha (1770-1836) se fixe à Paris.
Les Lumières ont permis l'émergence d'une conscience nationale. Les « Éveilleurs » vont faire des grandes périodes de l'histoire tchèque et de la musique populaire leurs sources d'inspiration. Le Conservatoire de Prague est fondé en 1811. Le Chaudronnier de František Škroup (1801-1862), créé en 1826, marque la naissance de l'opéra tchèque mais c'est Bedřich Smetana (1824-1884) qui va fonder une école nationale. Avec ses amis du cercle Concordia, il s'enthousiasme pour les idées révolutionnaires et compose des œuvres dédiées à l'insurrection de Prague (1848). Sa Fiancée vendue (1866) confère à l'opéra un caractère populaire ; en 1881, Libuše inaugure le Théâtre national. Smetana s'inspire de la rigueur des grandes symphonies classiques et la fusionne avec une verve romantique et patriotique : « Ma musique est tchèque, elle ne peut être pensée nulle part ailleurs qu'en Bohême. » Ses dernières œuvres sont d'une étonnante modernité.
Antonín[...]
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Écrit par
- Éric BAUDE : directeur de la Médiathèque de musique tchèque, Centre tchèque, Paris
Classification
Média
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