MUTANT, science-fiction
Genre littéraire foisonnant, la science-fiction se caractérise avant tout par la multiplicité de ses thèmes, mais aussi par la propension à les fondre, à les opposer, à les emboîter les uns dans les autres, ce qui rend très aléatoire une définition rigoureuse de chacun d'eux. Le mutant n'échappe pas à cette règle ; s'il est utile de relever d'abord ce qu'il n'est pas (ni robot, ni extra-terrestre, ni surhomme), il ne faut pas oublier que de telles distinctions, purement empiriques, restent conventionnelles, et qu'on peut citer de nombreux exemples où elles sont sans valeur.
Cela posé, il reste que le mutant de la science-fiction se distingue en général de l'homme dont il est un dérivé par sa supériorité, en particulier par l'étendue de ses pouvoirs psychiques (intelligence extraordinaire, télépathie, parfois capacité de prévoir l'avenir ou de plier les autres à sa volonté) ; cependant les mutants vampires du Je suis une légende, de Richard Matheson, sont seulement des post-humains mieux adaptés aux conditions d'un monde bouleversé par la radioactivité.
Il est autrement difficile de trouver aux mutants de science-fiction des traits communs ; ainsi, l'explication de leur origine varie avec chaque auteur : résultat d'expérience de laboratoire (À la poursuite des slans, d'A. E. Van Vogt), l'union d'extra-terrestres et de terriennes (les enfants télépathes des Coucous de Midwich de John Wyndham), ou encore rassemblement, à la fois fortuit et prédéterminé, d'éléments « en marge » (Les Plus qu'humains, de Théodore Sturgeon). Toutefois, les mutants ont toujours une particularité : leur position marginale, signe évident de leur caractère « à part » ; les slans sont impitoyablement pourchassés, la petite communauté des Plus qu'humains doit vivre à la campagne, loin des hommes (significativement, elle est dirigée par un idiot). Les « normaux » leur vouent immanquablement des sentiments de haine, de mépris, de crainte, au mieux de méfiance (cf. les romans de Philip K. Dick : bien que recherchés, précognitifs et télépathes, les mutants ne sont jamais pleinement intégrés). Cette hostilité est ce qui permet de différencier le mieux mutants et surhommes : ceux-ci incarnent, en dernière analyse, l'homme idéal (force physique, intelligence, sens de la justice) ; Superman ou le Doc Savage de Kenneth Robeson défendent le Bien parce qu'ils en sont la personnification. Rien de tel avec les mutants qui représentent quelque chose d'autre, et plus précisément l'Autre : race étrangère ou hommes produits par un système social nouveau. Cela est précisé dans les deux romans qui ont le plus contribué à fixer la thématique du sujet, À la poursuite des slans et Les plus qu'humains : les slans sont les successeurs de l'homme, ils sont l'étape ultérieure de son évolution et l'homme devra un jour disparaître ; quant aux « plus qu'humains », même dotés séparément de pouvoirs exceptionnels (le groupe comprend deux petites jumelles noires capables de se déplacer d'un lieu à l'autre par la seule puissance de la pensée), il leur faut s'unir et se fondre en une individualité supérieure où chaque personnalité s'anéantit (hantise américaine d'un homme communiste dépersonnalisé ?). On touche ici, à la fois aux difficultés de délimitation du thème (toujours plus ou moins allusif, car comment montrer réellement ce qui est au-delà de l'humanité ?) et aux raisons de sa fascination (l'humain, ses limites et leur transgression).
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Écrit par
- Jean-Paul MOURLON : maître ès lettres modernes, professeur au lycée de Tiaret, Algérie
Classification
Autres références
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FANTASTIQUE
- Écrit par Roger CAILLOIS , Éric DUFOUR et Jean-Claude ROMER
- 21 027 mots
- 17 médias
...développement d'êtres nouveaux, profondément différents des hommes sous la même apparence humaine. La littérature spécialisée les appelle ordinairement des « mutants ». Elle les présente comme instables, intermédiaires entre une forme de vie dépassée et une autre qui n'est pas encore fixée. Une réceptivité excessive...