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MUTATIONS // MODE 1960-2000 (exposition)

Avant-hier, le Nylon et ses premiers bas, le Tergal et ses pantalons à pli permanent ; hier, le Lycra et ses bodies élastiques ; aujourd'hui, la respiration du Gore-Tex, la caresse du Tactel : il en va de certains textiles comme de certaines chansons, leurs noms sont associés à une époque, à des façons d'être. Avec eux ressurgissent les utopies naïves et éphémères de l'infatigable machine à fabriquer du présent qu'est la mode. L'expositionMutations//Mode 1960-2000,présentée du 1er avril au 30 juillet 2000 au musée Galliera-musée de la Mode de la Ville de Paris, a abordé la mode contemporaine et ses bouleversements sous cet angle matériel, en prenant comme fil d'Ariane le textile et ses multiples métamorphoses depuis quarante ans.

Tout commence en 1963, année au cours de laquelle les fabricants français sont obligés, par un décret du ministère de l'Agriculture, d'indiquer pour la première fois sur une étiquette cousue au vêtement sa composition exacte. Ce décret du 25 octobre illustre le déclin des textiles d'origine naturelle (animale et végétale) face aux textiles chimiques (artificiels, puis synthétiques). Rappelons que les textiles artificiels sont obtenus par filage de substances naturelles transformées par une action chimique (c'est le cas de la rayonne et de la fibranne, à base de cellulose), et les textiles synthétiques par filage de substances créées par synthèse chimique (c'est le cas du Nylon, la première fibre synthétique mise sur le marché, en 1938). Le vocabulaire traditionnel du monde du chiffon (« tissu », « étoffe », « textile » même) s'efface ainsi lentement devant de nouveaux maîtres mots. Les intitulés des trois séquences qui scandaient l'exposition donnent une idée de l'importance de ces nouveaux matériaux utilisés par les couturiers : 1. « L'hyperchoix des matériaux, les années 1960-1975 » ; 2. « Les transferts et détournements de technologies, les années 1975-2000 » ; 3. « Les créateurs, comme alchimistes de la matière, les années 1980-2000 ».

Les textiles chimiques avaient, à l'origine, pour vocation de se substituer aux fibres naturelles en les imitant, le Nylon contrefaisant la soie, le polyester le coton, l'acrylique la laine et la fourrure. Si les années 1960-1975 n'ont pas échappé à la pesanteur de la distinction entre vrai et faux, noble et imitation vulgaire, elles ont aussi été pour ces matériaux des années d'expérimentations émancipatrices et d'euphorie stylistique : manteau d'Yves Saint Laurent de 1967 en vison blanc et vinyle noir, trench de Michèle Rosier pour V. de V. en lamé argent Nylfrance vers 1966, Poster Dress, robe en cellulose (80 p. 100) et coton (20 p. 100), reprenant, à la même date, le motif de la Campbell'sSoup d'Andy Warhol, robe en plastique de la styliste américaine Betsey Johnson pour les boutiques Paraphernalia en 1968. Il faudrait évoquer les explorateurs de la maille et du jersey – Sonia Rykiel ou la Milanaise Nanni Strada et son prototype de vêtement à manches longues d'une seule pièce (Il Manto e la Pelle, en 1974), sans couture d'assemblage, en polyamide démaillable ; évoquer également les expériences avant-gardistes de vêtements soudés, rivetés, moulés, tel le Giffo de Paco Rabanne, imperméable moulé dans une seule pièce de chlorure de polyvinyle (1967) ou la célèbre robe Cardine de Pierre Cardin, moulée en 1968 dans un textile infroissable en fibre de carbone, matériau lavable, résistant au feu et aux acides, utilisé par l'aéronautique.

La deuxième séquence de l'exposition dressait le tableau des multiples emprunts de la mode aux technologies du sport (bodies-léopards de Marc Audibet inspirés du justaucorps des danseurs en tissus biextensibles, dès 1984 ; robe du soir matelassée de[...]

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