MUTATIONS
Mutagenèse et agents mutagènes
Même dans des circonstances parfaitement normales, les mécanismes biologiques admettent toujours dans leur fonctionnement une certaine marge d'erreurs, et ceux qui assurent l'intégrité et la reproduction conforme du matériel génétique n'échappent pas à cette règle. Des mutations de toutes catégories se produisent donc spontanément chez tous les organismes. La fréquence de toute mutation spécifique reste toutefois toujours très faible. C'est ainsi que, chez les bactéries, la chance pour qu'un gène déterminé subisse une mutation pendant l'intervalle de temps séparant deux divisions successives n'est environ que de un sur cent millions. Dans l'espèce humaine, bien que l'intervalle entre deux générations soit évidemment beaucoup plus long et corresponde à de nombreuses divisions cellulaires, la même grandeur, comptée par génération, n'est guère que mille fois plus forte.
Ces fréquences spontanées très faibles peuvent être augmentées dans d'énormes proportions lorsqu'on soumet le matériel biologique à l'action de certains agents qualifiés de mutagènes.
Les poisons de la mitose constituent une catégorie à part d'agents mutagènes ; ils peuvent produire des mutations de la garniture chromosomique. Le plus connu est la colchicine, dont l'action conduit, dans les cellules végétales surtout, à la polyploïdie.
Les autres mutagènes agissent au niveau des molécules d'ADN, dans lesquelles ils déterminent des lésions variées telles que ruptures de liaisons diesters, modifications chimiques de certaines bases, ponts de covalence établis entre bases de différents niveaux. Les mutations sont les conséquences plus ou moins directes de ces lésions.
Dans certains cas, l'évolution qui, à partir de la lésion, aboutit à la mutation accomplie est relativement simple. C'est ainsi que l'action mutagène de l'acide nitreux est liée à son pouvoir désaminant. Dans des molécules d'ADN exposées à cet agent, certains radicaux adénine (A) vont être transformés sur place en une autre purine : l' hypoxanthine (Hx). Cette transformation constitue la lésion primaire. Lors du cycle de reproduction suivant, l'hypoxanthine s'apparie non pas avec la thymine, comme l'aurait fait l'adénine, mais avec la cytosine. La séquence des événements est alors la suivante :
La mutation finalement accomplie consiste donc en la substitution d'une paire (guanine-cytosine) à une autre paire (adénine-thymine). C'est un type de mutation ponctuelle classique.
Dans la plupart des autres cas, en fait, l'enchaînement des phénomènes qui relient la lésion à la mutation est beaucoup plus complexe et fait intervenir des processus de réparation des molécules d'ADN, qui sont susceptibles de faire des erreurs. C'est ainsi que, dans certains cas de mucoviscidose (10 p. 100) et de maladie myopathique de Duchenne, des mutations dites « non-sens » sont en cause dans le processus pathologique. Elle introduisent un codon « stop » intempestif dans l'ARNm des protéines à construire. Celles-ci sont tronquées, donc inactives. On étudie un agent correcteur (PCT 124) qui supprime le défaut de lecture de façon plus efficace que ne le permettaient certains antibiotiques aminoglycosides (gentamycine).
Les mutagènes connus se répartissent en deux groupes : les agents physiques et les agents chimiques. Le premier groupe comprend toutes les radiations ionisantes et certaines parties du spectre de l'ultraviolet. L'effet destructeur des rayons X et γ sur les cellules est en grande partie la conséquence de leur action sur le matériel génétique nucléique. Les mutagènes chimiques sont très nombreux et variés. Les plus connus sont les corps alkylants, tels que les moutardes et les esters sulfoniques, les peroxydes organiques, l'acide nitreux[...]
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Écrit par
- Gérard LEBLON : docteur ès sciences naturelles, professeur à l'université de Paris-XI, centre d'Orsay
- Philippe L'HÉRITIER : professeur honoraire à la faculté des sciences de Clermont-Ferrand
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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