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MYTHE Approche ethnosociologique

Perspectives traditionnelles

L'évolutionnisme

Les fondateurs de l'anthropologie qui recevaient de toutes les parties du monde les informations recueillies par les voyageurs, les missionnaires, les administrateurs, etc., s'interrogèrent tout de suite sur le statut intellectuel des mythes. Ils se sont vite rendu compte que ceux-ci, en dépit de l'extraordinaire diversité des motifs qui s'explique par le fait que toutes les ressources de l'imagination semblent pouvoir s'y donner libre cours, présentaient finalement, quelle que soit leur origine, des similitudes profondes et surprenantes, non seulement au niveau des cultures exotiques, mais aussi avec les mythologies de l'Antiquité. Les mythes des prétendus primitifs devaient donc bénéficier du même intérêt que ceux de la Grèce antique dont on sait les rapports avec l'origine de la philosophie.

Dans le cadre général des théories évolutionnistes qui dominaient la pensée anthropologique du xixe siècle, les mythes furent alors conçus comme l'expression d'un effort intellectuel pour expliquer le monde, mais aussi comme la manifestation d'une pensée confuse, primitive, irrationnelle, « embryonnaire » pour citer J. G. Frazer. Pour celui-ci comme pour E. B. Tylor, le père de la théorie animiste, les mythes sont le fruit de croyances, résultant elles-mêmes d'une analyse confuse de la réalité. Pour expliquer le passage à la forme narrative, Tylor n'hésite pas à reprendre l'argument de Max Müller et des naturalistes ; ceux-ci voyaient dans la personnification des forces naturelles le résultat d'une sorte de maladie du langage liée au fait que des objets inanimés pouvaient être sujets de verbes qui servent aussi à décrire des actions humaines (exemple : le soleil se lève) ; pour Tylor cependant ce ressort ne fait que corroborer son hypothèse d'une croyance primitive universelle à l'omniprésence des âmes et des esprits, elle-même issue des illusions du rêve.

Le fonctionnalisme

Quand les théoriciens de l'ethnologie commencèrent à se rendre eux-mêmes sur le terrain dans le but non plus seulement de collectionner les faits mais de s'interroger précisément à leur endroit, les vues qu'on vient de résumer parurent vite insoutenables. En effet, ces gens avec lesquels on pouvait vivre, converser, raisonner, étaient manifestement de plain-pied avec la réalité qui les entourait même si celle-ci différait sur certains points de la réalité occidentale ; il était évident qu'aucune insuffisance intellectuelle ne venait entraver l'efficacité des rapports de ces hommes avec leur milieu ; ils ne confondaient pas les rêves avec la réalité, ni les choses avec les mots ; rien dès lors ne pouvait plus justifier l'hypothèse du recours inévitable à des récits fantasmagoriques pour soutenir les démarches d'une pensée mal assurée et d'une perception confuse.

La critique de B. Malinowski, initiateur de cette nouvelle orientation, est toute pénétrée de l'expérience des années qu'il passa pendant la Première Guerre mondiale dans les îles Trobriand (Mélanésie), et au cours desquelles il eut le loisir d'observer les mythes dans leur usage quotidien, vécu, et non comme des textes morts ne s'adressant à personne. Pour lui, les mythes ont pour fonction, non d'expliquer, de répondre à une curiosité de type scientifique, philosophique ou littéraire, mais de justifier, de renforcer, de codifier les croyances et les pratiques qui constituent les ressorts de l' organisation sociale. Comme les autres institutions, les mythes s'expliquent uniquement par leur fonction dans l'organisation sociale ; ils constituent « l'épine dorsale dogmatique de la civilisation primitive », ils en sont « la charte pragmatique ».

De cette conception qui devait dominer[...]

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