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DÉLUGE MYTHES DU

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<em>Déluge du nord de l’europe</em>, Riou - crédits : Fondo Antiguo de la Biblioteca de la Universidad de Sevilla/ Flickr ; CC 2.0

Déluge du nord de l’europe, Riou

Extrêmement répandus, les mythes de catastrophes cosmiques racontent comment le monde a été détruit et l'humanité anéantie, à l'exception d'un couple ou de quelques survivants. Les mythes du Déluge sont les plus nombreux, et presque universellement connus (bien qu'extrêmement rares en Afrique). À côté des mythes diluviens, d'autres relatent la destruction de l'humanité par des cataclysmes cosmiques : tremblements de terre, incendies, écroulement de montagnes, épidémies. Évidemment, cette fin du monde n'est pas représentée comme radicale, mais plutôt comme la fin d'une humanité, suivie de l'apparition d'une humanité nouvelle. Mais l'immersion totale de la Terre dans les eaux, ou sa destruction par le feu, suivie de l'émersion d'une Terre vierge, symbolisent la régression au Chaos et la cosmogonie.

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Dans un grand nombre de mythes, le Déluge est rattaché à une faute rituelle qui a provoqué la colère de l'Être suprême : parfois il résulte simplement du désir d'un Être divin de mettre fin à l'humanité. Mais, si l'on examine les mythes qui annoncent l'imminence du Déluge, on retrouve, parmi les causes principales, non seulement les péchés des hommes, mais aussi la décrépitude du monde. On peut dire alors que le Déluge a ouvert la voie à la fois à une re-création du monde et à une régénération de l'humanité.

Des mythes presque universellement répandus

L'histoire biblique du Déluge (Genèse, vi, 5 ; viii, 22) représente la fusion de deux versions indépendantes. Les Hébreux ont, très probablement, emprunté le mythe aux Babyloniens. Mais le thème du Déluge est encore plus ancien puisqu'il est déjà attesté chez les Sumériens, comme le prouvent les textes traduits par S.N. Kramer, From the Tablets of Sumer(1956). Le nom du Noé sumérien est Ziusudra ; dans la version babylonienne, il est appelé Utnapishtim. Le Déluge est raconté dans la XIe tablette de l'Épopée de Gilgamesh : les dieux décident d'anéantir le genre humain, mais le dieu Ea prévient Utnapishtim et lui conseille de construire un bateau pour sauver sa famille et un certain nombre d'animaux. Le Déluge est provoqué par une pluie torrentielle qui dure sept jours. Le huitième, Utnapishtim lâche une colombe et, peu après, une hirondelle, mais les oiseaux reviennent. Finalement, il lâche un corbeau qui ne revient plus. Alors Utnapishtim débarque sur le mont Nishir et offre un sacrifice aux dieux. Ceux-ci découvrent avec surprise que le genre humain n'a pas été anéanti. Ils décident pourtant que, désormais, Utnapishtim ne sera pas mortel et le transportent, avec sa femme, dans un pays fabuleux et inaccessible, « aux bouches des fleuves ». C'est là que, longtemps après, Gilgamesh, en quête de l'immortalité, lui rend visite et apprend l'histoire du Déluge.

Un mythe similaire, d'origine sémitique probablement, est connu dans l'Inde. Absent dans le Véda, le mythe du Déluge est attesté pour la première fois dans le Śatapatha Brāhmana (I, viii, 1), rituel rédigé probablement au viie siècle avant J.-C. : un poisson avertit Manu de l'imminence du Déluge et lui conseille de construire un bateau. Lorsque la catastrophe éclate, le poisson tire le bateau vers le nord et l'arrête près d'une montagne. C'est là que Manu attend l'écoulement des eaux. À la suite d'un sacrifice, il obtient une fille, et de leur union descend le genre humain.

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Dans la version transmise par le Mahābhārata, Manu est un ascète. Dans le Bhāgavata Purāna (VIII, xxiv, 7 sq.), le roi-ascète Satyavrata est averti de l'approche du Déluge par Hari (Vishnu) qui a pris la forme d'un poisson.

En Iran, la fin du monde est consécutive à un déluge résultant de la fonte des neiges accumulées pendant un terrible hiver. Ahura Mazdâ conseille à Yima, le premier homme, qui est aussi le premier roi, de se retirer dans une forteresse. Yima prend avec lui les meilleurs parmi les hommes et les différentes espèces d'animaux et de plantes. Le Déluge met fin à l'âge d'or, qui ne connaissait ni la vieillesse ni la mort. En Grèce, c'est Prométhée qui avertit son fils, Deucalion, que Zeus a décidé l'anéantissement des hommes de l'âge du bronze. Deucalion s'échappe avec sa femme dans une arche (Apollodorus, Bibliotheca, I, vii, 2).

Le mythe du Déluge se rencontre chez certaines peuplades autochtones de l'Inde (Bhils, Mundas, Santals, etc.), chez les Lepchas de Sikkim et en Assam. Il est encore plus répandu dans l'Asie du Sud-Est, en Mélanésie et en Polynésie. Les versions recueillies en Australie parlent d'une grenouille géante qui avait absorbé toutes les eaux. Souffrant de la soif, les animaux décidèrent de faire rire la grenouille. En voyant l'anguille se tordre, la grenouille éclata de rire et les eaux s'écoulèrent de sa bouche, provoquant le Déluge. La grenouille est une des images mythiques de la Lune. Et puisque la Lune est, par excellence le symbole de la mort et de la résurrection, elle gouverne aussi les eaux, les inondations et les marées.

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Chez les tribus de l'Amérique du Sud, le Déluge est provoqué généralement par un des jumeaux mythiques qui, frappant la terre de son talon, fait jaillir les eaux souterraines (Frazer, Folk-lore in the Old Testament, I). En Amérique centrale et en Amérique du Nord, les versions du Déluge sont assez nombreuses : la catastrophe est produite soit par des inondations soit par des pluies (Frazer, op. cit.).

En comparaison avec les mythes narrant la fin du monde dans le passé, les mythes se référant à une fin à venir sont assez peu nombreux chez les primitifs. Mais cette rareté est peut-être due au fait que les ethnologues n'ont pas posé cette question dans leurs enquêtes. En outre, il est parfois difficile de préciser si le mythe concerne une catastrophe passée ou à venir. Ainsi, par exemple, selon E.H. Man, les Andamanais croient qu'après la fin du monde une nouvelle humanité, jouissant d'une condition paradisiaque, fera son apparition : il n'y aura plus ni maladies, ni vieillesse, ni mort. Mais un autre anthropologue, A. Radcliffe Brown, estime que Man a combiné plusieurs versions, recueillies d'informateurs différents. En réalité, précise Radcliffe Brown, il s'agit bien d'un mythe relatant la fin et la re-création du monde ; mais le mythe se rapporte au passé et non pas à l'avenir. Mais comme, suivant la remarque de F. F. Lehmann, la langue andamanaise ne possède pas de temps futur, il n'est pas facile de décider s'il s'agit d'un événement passé ou d'une fin à venir.

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