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MYTHOLOGIES Dieux et déesses

Le dieu lointain

La pauvreté cultuelle – c'est-à-dire surtout l'absence d'un calendrier sacré des rites périodiques – est une caractéristique de la majorité des dieux célestes. En Afrique, le grand dieu céleste, l'être suprême, créateur et tout-puissant, ne joue qu'un rôle insignifiant dans la vie religieuse de la tribu. Il est trop loin ou trop bon pour avoir besoin d'un vrai culte, et on l'invoque seulement dans les cas extrêmes. Les Bantous considèrent Nzambi comme tout-puissant, bon et juste ; mais c'est pour cela même qu'ils ne l'adorent point et ne le représentent sous aucune forme matérielle, comme les autres dieux et esprits. Chez les Héréro, le dieu suprême Ndyambi s'est retiré dans le ciel ; aussi n'est-il pas adoré. « Pourquoi lui offririons-nous des sacrifices ?, explique un indigène. Nous n'avons pas à le craindre, car, au contraire de nos morts, il ne nous fait aucun mal. » Les Wachagga, importante tribu bantoue du Kilimandjaro, adorent Ruwa, le créateur, le dieu bon, gardien des lois morales. Il est actif dans les mythes et les légendes, mais joue un rôle assez médiocre dans la religion. Il est trop bon et trop compatissant pour que les hommes aient des motifs de le craindre ; toute leur sollicitude va aux esprits des morts. Et ce n'est que lorsque les prières et les sacrifices offerts aux esprits sont restés sans réponse qu'on sacrifie à Ruwa, spécialement en cas de sécheresse ou de grave maladie.

Même situation chez les Noirs de langue tshi de l'Afrique occidentale, avec Njankupon. Njankupon est loin d'être adoré ; il n'est pas objet de culte et n'a pas même de prêtres à son service ; on ne lui rend hommage qu'en de rares circonstances, en cas de grande disette ou d'épidémie, ou après un violent ouragan ; les hommes lui demandent alors en quoi ils l'ont offensé. Dzingbe (« le Père universel ») se trouve en tête du panthéon polythéiste de la population éwé. À la différence de la majorité des autres êtres célestes suprêmes, Dzingbe a un prêtre particulier, appelé dzisai, « prêtre du ciel », qui l'invoque pendant la sécheresse : « Ô ciel, à qui nous devons nos remerciements, grande est la sécheresse ; fais qu'il pleuve, que la terre se rafraîchisse et que prospèrent les champs ! »

Les Bantous disent : « Dieu, après avoir créé l'homme, ne se préoccupe plus du tout de lui. » Et les Négrilles répètent : « Dieu s'est éloigné de nous ! » Les populations fang de la prairie de l'Afrique équatoriale résument leur philosophie religieuse dans ce chant :

Nzame [Dieu] est en haut, l'homme en bas. Dieu c'est Dieu, l'homme c'est l'homme. Chacun chez soi, chacun en sa maison.

Nzame n'est pas l'objet d'un culte et les Fang ne s'adressent à lui que pour lui demander la pluie. Les hommes ne se souviennent du ciel et de la divinité suprême que lorsqu'un danger venant des régions ouraniennes les menace directement ; le reste du temps, leur religiosité est sollicitée par les besoins journaliers, et leurs pratiques ou leur dévotion se tournent vers les forces qui contrôlent ces mêmes besoins.

En Indonésie, le dieu du ciel a fusionné avec celui du Soleil ou a été remplacé par lui. Dans d'autres régions, par exemple dans les îles Bank, une divinité lunaire s'est superposée à l'être suprême ouranien. Parfois une grande déesse s'est substituée au dieu du ciel primitif, comme c'est le cas chez les Kavis de l'Assam. La morphologie de cette substitution est assez variée, mais le sens de chaque substitution est en partie le même : le passage de la transcendance et de la passivité des êtres célestes aux formes religieuses dynamiques, efficientes, aisément accessibles aux humains.

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