MYTHOLOGIES Premiers panthéons
Le monde égyptien
Les temps préhistoriques ont dû avoir une importance considérable sur la formation de la pensée égyptienne. Toutefois, il semble qu'il ne faille pas exagérer cette influence. Une indication sûre nous est fournie par le répertoire des formes animalières des différentes divinités. On a constaté avec justesse qu'aucune de ces formes n'est préhistorique, mais que toutes se rapportent à une flore et à une faune d'époque prédynastique : « Il est remarquable, par exemple, écrit Dimitri Meeks, que les animaux qui furent introduits tardivement dans la vallée du Nil, tels que le cheval ou le coq, soient totalement absents du panthéon égyptien au sens strict. De même, les animaux dont le biotope correspondait jadis à la basse vallée du Nil et ses environs immédiats, mais qui en disparaissent progressivement à partir de l'époque prédynastique, n'y figurent pas non plus, ainsi l'éléphant, la girafe et le rhinocéros. »
Les dieux, les hommes et la nature
En s'appuyant sur cette constatation fondamentale, on peut penser que les structures de la pensée religieuse, comme celles de l'organisation sociale, se sont formées à l'époque prédynastique. Par ailleurs, l'environnement géographique joua un rôle déterminant : le Nil, avec sa crue qui se produit à date fixe, envahit les champs, les bosquets, recouvre les marécages et ne laisse que les villes construites sur des buttes naturelles. Si cette crue se trouve endiguée par le plateau désertique de la vallée, il n'en est pas de même dans le delta, qui restera longtemps une zone de marécages et de pâtures. À la période de la crue succède celle de l'extraordinaire verdoiement de la vallée. L'habitat se groupe autour du lieu cultuel de la divinité locale avec son animal tabou dans les limites du terroir. On a voulu y voir le reste de clans préhistoriques avec un système de « totems » et de tabous. Ce foisonnement de cultes n'est nullement contradictoire avec celui de grandes divinités dont la fortune est étroitement liée aux vicissitudes politiques du pays.
Si le mythe égyptien nous présente à l'origine un tout indifférencié, c'est l'homme qui par sa révolte contre le chef des dieux brisa cette unité. Cela eut des conséquences multiples : l'homme prend conscience de son individualité et le roi des dieux (le soleil) se réfugie au ciel, accompagné de ses acolytes. Si l'antinomie hommes/dieux est bien sentie par les Égyptiens, la nature reste une manifestation des dieux ; le dieu peut se manifester dans un animal, une plante ou un élément géographique quelconque. Cela explique les représentations zoomorphes, ainsi que le culte des animaux, qui devait connaître une grande faveur à l'époque tardive. Mais, si par sa révolte l'homme mit le monde (c'est-à-dire l'Égypte) en déséquilibre, le rite allait lui permettre de rétablir ce déséquilibre, tout en maintenant une certaine forme d'unité : c'est ce que les Égyptiens appelaient « Maât ».
Par conséquent, il existe, outre les génies, deux sortes de dieux : d'une part, des dieux cosmiques qui peuvent correspondre à des parties du monde, c'est-à-dire que des divinités se manifestent sous la forme de phénomènes physiques. Ainsi Rê est le soleil, Shou l'atmosphère, Geb la terre, Nout la voûte céleste... D'autre part, il existe parallèlement des dieux locaux qui sont liés à une ville déterminée, comme Ptah à Memphis, Rê à Héliopolis, Amon à Thèbes, Thot à Hermopolis, Horus à Edfou, Osiris à Abydos et à Bousiris... Outre ces divinités, des génies patronnaient toutes les activités de la nature ou celle des hommes, par exemple le génie du blé, de la cuisine, de la brasserie...
Pluralité des systèmes théologiques
Le temple du dieu principal d'une ville et de son terroir[...]
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Écrit par
- Jean BOTTERO : directeur d'études (assyriologie) à l'École pratique des hautes études (IVe section), Sorbonne
- Yvan KOENIG : docteur de troisième cycle, chargé de recherche au C.N.R.S, professeur à l'École pratique des hautes études (IVe section)
- Dimitri MEEKS : directeur de recherche au C.N.R.S.
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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