NABATÉENS
L’architecture
Parler d’architecture nabatéenne revient à décrire principalement deux catégories très différentes de monuments : des monuments rupestres taillés dans le rocher, surtout à Pétra et à Hégra ; des monuments construits – on pourrait dire maçonnés –, principalement des temples mais aussi de l’habitat et quelques monuments publics. Parmi les premiers, les façades des tombeaux rupestres sont l’élément le plus important car elles forment un corpus de plusieurs centaines de monuments (près de 700 à Pétra, une centaine à Hégra), souvent bien conservés et immédiatement visibles. Pour les seconds, les temples constituent la catégorie la plus notoire, notamment parce que plusieurs d’entre eux, sur différents sites, ont été fouillés. Il existe une troisième catégorie, mixte, à savoir des monuments qui associent architecture rupestre et architecture maçonnée. C’est le cas, par exemple, dans les complexes funéraires tels que celui dit du Tombeau du Soldat romain, à Pétra, daté de la deuxième moitié du ier siècle apr. J.-C. Deux monuments rupestres, un tombeau et une salle de banquet, y sont reliés par une cour à péristyle et associés à d’autres bâtiments (vestibule, escalier).
Les trois adjectifs qui permettent de rendre le mieux compte de l’architecture funéraire nabatéenne sont ceux de syncrétique, de composite et d’originale. Syncrétique parce qu’elle est le résultat d’influences arabes, égyptiennes, mésopotamiennes et gréco-romaines ; composite parce qu’elle associe des éléments qui peuvent sembler disparates ; originale, enfin, parce qu’elle est unique dans sa forme et qu’elle est devenue un trait distinctif de l’identité nabatéenne.
Il a par ailleurs été démontré que l’architecture nabatéenne, notamment les complexes funéraires et l’architecture domestique de luxe, a été largement influencée par celle des élites hellénistiques et romaines, via une diffusion qui se produit en Méditerranée à partir de modèles macédoniens du ive siècle av. J.-C. Les palais d’Hérode le Grand à Césarée, Jéricho ou Massada, au ier siècle av. J.-C., ont certainement inspiré les architectes nabatéens. On le voit par exemple dans la manière d’aligner les pièces de réception dans le grand ensemble résidentiel nabatéen fouillé sur la colline d’az-Zantûr au sud du centre urbain de Pétra. On le note aussi par l’installation de thermes chauffés par un hypocauste (système de chauffage par le sol), y compris dans des lieux aussi inattendus que le sommet de l’un des massifs les plus hauts et les plus difficiles d’accès de Pétra, Umm al-Biyârah. Le rôle de l’Alexandrie hellénistique dans la diffusion des savoirs qui ont permis la réalisation des monuments hérodiens puis nabatéens a été mis en évidence à plusieurs reprises.
Tout comme l’architecture religieuse, celle des tombeaux possède aussi ses particularités. Les monuments funéraires nabatéens ne sont pas tous des tombeaux à façade monumentale. Ceux-là étaient réservés aux notables et aux membres les plus riches de la société nabatéenne. Les tombes du reste de la population, selon le degré de fortune de chacun, revêtaient la forme soit de simples fosses rectangulaires creusées dans le rocher, parfois à plusieurs niveaux séparés par des dalles, soit de chambres souterraines accessibles par un puits, ou bien de chambres funéraires rupestres creusées dans les falaises mais dépourvues de façades décorées.
Le motif le plus récurrent dans les tombeaux est celui du merlon (motif en escalier), originaire de Mésopotamie (Assyrie), très largement utilisé dans l’Empire perse achéménide puis dans tout le Proche-Orient hellénistique. Il est présent sur toutes les façades de tombeaux à l’exception de celles qui présentent des éléments décoratifs inspirés de l’architecture classique telle la plus célèbre d’entre elles, la Khaznah[...]
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Écrit par
- Laïla NEHMÉ : directrice de recherche au CNRS
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- Écrit par Encyclopædia Universalis et Gilbert LAFFORGUE
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Le nabatéen, créé chez une tribu arabe au sud-est de la mer Morte pour écrire l'araméen (iie s. av. J.-C.), est, après la chute du royaume local (106 apr. J.-C.), employé pour transcrire un parler arabe. Peu à peu transformé, il devient l'écriture arabe (vie s. apr. J.-C.), qui n'évoluera... -
ARABIE
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Robert MANTRAN et Maxime RODINSON
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...absorbèrent le vieux peuple d'Edom (vers le vie s. av. J.-C.). Elles fondèrent le royaume de Nabatène dont la capitale fut appelée par les Grecs Petra. Ces Nabatéens s'enrichirent grâce au commerce de transit et furent les alliés de Rome. La civilisation hellénistique dominait dans le royaume. En 106,... -
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JORDANIE
- Écrit par Philippe DROZ-VINCENT , Encyclopædia Universalis et Philippe RONDOT
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