NADJA, André Breton Fiche de lecture
Lorsque paraît Nadja en mai 1928, André Breton (1896-1966) est une des figures les plus reconnues de l'avant-garde poétique en France. Depuis 1924, la biographie du poète et théoricien du surréalisme en est venue à se confondre, pratiquement, avec le surréalisme même. D'où une condition dès sa parution particulière, faite à cette œuvre inassignable et déroutante : le manifeste qu'elle paraît constituer a parfois occulté son autonomie de lecture, et beaucoup s'en sont tenus, dès la parution, aux deux énoncés qui ouvrent et ferment le volume : « Qui suis-je ? » et « La beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas ».
Le récit d'une rencontre
Le plan de Nadja est clair, et suit avec détermination une conduite sans cesse commentée de procès-verbal : un préambule naît de l'interrogation initiale (Qui suis-je ?). Puis, par des séquences de « glissades » et de « précipices », à travers Hugo, Flaubert, Eluard, ou les peintres Courbet et Chirico, des épisodes anciens sont évoqués, avant que le « point de départ » véritable soit indiqué, dans le récit (hôtel des Grands-Hommes) ou dans sa rédaction (au manoir d'Ango, près de Varengeville-sur-Mer)... Suit l'histoire de Nadja, d'abord journal des rencontres, depuis octobre 1926, avec une « créature toujours inspirée et inspirante », perdue et prostituée et cependant médium triomphante comme la Monelle de Marcel Schwob (Le Livre de Monelle, 1895). À l'appui sont fournis documents, éléments de conversations, fragments de lettres, dessins, photographies de ses yeux de « fougère », comme une justification du nom que Nadja s'est choisi et une garantie de renonciation au mythe de la fiction. La déception arrive, puis la séparation : « On est venu, il y a quelques mois, m'apprendre que Nadja était folle. À la suite d'excentricités auxquelles elle s'était, paraît-il, livrée dans les couloirs de son hôtel, elle avait dû être internée à l'asile de Vaucluse. » À la question douloureuse de la responsabilité collective, sociale, personnelle de cet internement, le récit précis des étapes de la séparation entre la fin août et la fin décembre apporte un contrepoint qui ne peut que souligner la proximité extrême du modèle nervalien, avant que le livre ne s'achève sur un épilogue qui met en lumière l'articulation de la vie et de l'écriture. Ruptures, ellipses, amorces, lignes de points, italiques et confrontations de l'image et du texte ne font que renforcer, d'un bout à l'autre du livre, le trouble dont il est le lieu privilégié.
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Écrit par
- Pierre VILAR : maître de conférences à l'université de Pau et des pays de l'Adour, faculté de Bayonne
Classification
Média
Autres références
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BRETON ANDRÉ - (repères chronologiques)
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19 février 1896 Naissance de Breton à Tinchebray, dans l'Orne.
1914-1918 Première Guerre mondiale.
1916 Infirmier militaire à Nantes, Breton y fait la connaissance de Jacques Vaché. En mai, il rencontre Guillaume Apollinaire.
1917 Fait la connaissance de Philippe Soupault, puis de Louis...
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SURRÉALISME - Histoire
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...la poésie signifient et annoncent. Mais l'émotion révélatrice qu'engendrent les rencontres ne se limite pas à eux. Elle pénètre notre vie tout entière, et les œuvres de Breton abondent en exemples de ces « signes », venus on ne sait d'où, de ce que, dans Nadja, il appelle les « pétrifiantes...