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NADJA, André Breton Fiche de lecture

« Qui vive ? »

Nadja n'est donc pas seulement le titre d'un livre, où il est question de la rencontre, des puissances du hasard et de la coïncidence, où la vie est en cause. Nadja est également le nom – choisi par elle comme un poète choisit son titre – d'une femme rencontrée en octobre 1926, avec laquelle le poète-narrateur a entretenu des rapports réels jusqu'en février 1927. Les signifiants s'appellent : si Nadja, selon le rappel qui en est fait, signifie la moitié du mot russe désignant l'espérance, le manoir d'Ango, lieu de l'écriture, désigne à coup sûr la moitié de l'angoisse. Ainsi la chronologie de la rencontre et celle de la rédaction (entre août 1927 et décembre 1927) viennent croiser, au cœur même de l'écriture, leurs surfaces en miroir, ouvrant en amont sur l'interrogation autobiographique (des épisodes de la période 1918-1927 reviennent à la mémoire), en aval sur les conséquences et les effets douloureux de la mémoire (l'internement de Nadja, sa pauvreté, la misère de la psychiatrie). Au centre de ce dispositif, la rencontre de Nadja, fascinante et lucide, éclaire l'ensemble du récit.

Le livre Nadja et l'expérience qu'il constitue ont occupé dans l'œuvre de Breton et dans sa vie, désormais indissociables, une place si centrale qu'une nouvelle édition, « entièrement revue par l'auteur », a paru en 1963 accompagnée d'un Avant-dire ironiquement sous-titré « Dépêche retardée », afin de resserrer encore, par-delà les écrits et les pièges de la chronologie, ce qui s'était noué entre 1926 et 1927. « Le dénuement volontaire d'un tel écrit a sans doute contribué au renouvellement de son audience en reculant son point de fuite au-delà des limites ordinaires », estime Breton, qui se place sous l'égide des « livres érotiques sans orthographe » salués par Rimbaud. Plus de trois cents variantes textuelles, relevées par Marguerite Bonnet pour son édition de la Pléiade, accompagnent le remaniement des illustrations photographiques, si fondamental pour nouer le pacte qui lie le lecteur à Nadja.

Il serait vain de retracer l'influence de ce livre sur ses lecteurs : depuis les compagnons et contemporains (Aragon le premier, Eluard, Joë Bousquet, Daumal qui en fut saisi), jusqu'aux accompagnateurs et commentateurs attentifs (Gracq, Blanchot), la plupart ont souligné la nature exceptionnelle, le caractère unique de cette expérience, qui s'excepte de la poésie, de la langue et de la vie pour mieux les identifier en une forme vraie. « Qui vive ? » est la question qui, en dernier ressort, paraît avoir recouvert et déployé, par-delà et à travers Nadja, l'interrogation initialement posée.

— Pierre VILAR

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Pau et des pays de l'Adour, faculté de Bayonne

Classification

Média

André Breton - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

André Breton

Autres références

  • BRETON ANDRÉ - (repères chronologiques)

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    19 février 1896 Naissance de Breton à Tinchebray, dans l'Orne.

    1914-1918 Première Guerre mondiale.

    1916 Infirmier militaire à Nantes, Breton y fait la connaissance de Jacques Vaché. En mai, il rencontre Guillaume Apollinaire.

    1917 Fait la connaissance de Philippe Soupault, puis de Louis...

  • SURRÉALISME - Histoire

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    ...la poésie signifient et annoncent. Mais l'émotion révélatrice qu'engendrent les rencontres ne se limite pas à eux. Elle pénètre notre vie tout entière, et les œuvres de Breton abondent en exemples de ces « signes », venus on ne sait d'où, de ce que, dans Nadja, il appelle les « pétrifiantes...