Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

NAIN JAUNE

Parmi les jeux de cartes, le nain jaune représente le principe de l'élimination directe où le joueur qui s'est le premier débarrassé de ses cartes gagne. Un mécanisme très simple, où la couleur est indifférente, un nombre quelconque de joueurs (entre trois et huit), un amusant tableau de mises pour la décoration, quelques hasards spectaculaires font du nain jaune un jeu très apprécié des enfants, sensibles à l'animation qu'il procure. C'est pourquoi les boîtes à jeux traditionnelles comprennent systématiquement un tableau de nain jaune dans leur assortiment.

On joue au nain jaune avec un jeu de cinquante-deux cartes. Avant de commencer la partie, les joueurs placent des mises à l'aide de jetons dans les cases du tableau. Celui-ci est un rectangle divisé en cinq compartiments : au centre le « nain jaune » ou « lindor », petit personnage brandissant un sept de carreau ; autour, respectivement et dans le sens des aiguilles d'une montre, en partant de l'angle supérieur gauche, le roi de cœur, la dame de pique, le dix de carreau et le valet de trèfle.

On distribue à chaque joueur un même nombre de cartes tout en ménageant un talon. Ce nombre dépend de celui des joueurs. Le premier en cartes, qui suit immédiatement le donneur, pose autant de cartes qu'il le peut, à condition que celles-ci se suivent dans l'ordre numérique. Il s'arrête de jouer quand il ne peut plus continuer. Le suivant joue ensuite, c'est-à-dire pose une ou plusieurs cartes consécutives, sinon il s'abstient. Chaque fois qu'une des cartes du tableau sort, le joueur qui la joue ramasse les mises placées dans le compartiment où celle-ci figure.

Le premier à s'être débarrassé totalement de ses cartes a gagné. Celui ou celle qui place toutes ses cartes au premier coup fait un « grand opéra ». On compte les cartes restant dans les mains des autres joueurs : ces points forment autant de pénalités. Les cartes numérales sont comptées pour leur valeur faciale, les figures valent dix points chacune.

Héritier de la comète qui inaugurait le rôle un peu particulier d'une carte de carreau – ici, le neuf ou « comète » – le nain jaune est mentionné pour la première fois dans le journal L'Avant-Coureur de mars 1762 où il est présenté comme un nouveau jeu de société. Le succès dut être rapide et la diffusion assez large pour que Mozart signale en 1779 dans une addition au journal, tenu par sa sœur, qu'ils avaient joué au « Nain chaun ». Adapté à la phraséologie de la Révolution, le jeu franchit allègrement le tournant du siècle et son succès ira s'amplifiant auprès des petits et des grands au cours du xixe siècle. Il ne s'est pas démenti depuis.

Pourquoi nain jaune ? Héros d'un conte de fées de Madame d'Aulnoy dans un recueil publié en 1698, le Nain jaune est un personnage laid, jaloux et méchant. Passé dans le folklore populaire, il semble s'être chargé de vertus prophylactiques que son association avec le sept de carreau, carte souvent tenue pour bénéfique, allait renforcer. On s'explique moins l'autre nom du jeu, lindor, que les règles de la fin du xviiie siècle et du début du xixe mettent parfois en avant. Certes, Lindor est un personnage de la comédie espagnole, aux emplois mal définis, mais on soupçonne ici quelque paronomase du genre nain d'or/lin-d'or.

— Thierry DEPAULIS

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : licencié ès lettres, ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers, historien du jeu

Classification