NAINES BRUNES
Naines brunes et planètes
Si l'on connaît la masse maximale d'une naine brune, sa masse minimale reste inconnue, du point de vue théorique aussi bien qu'observationnel. A priori, une naine brune pourrait atteindre des masses aussi petites que celle de Jupiter. La limite observationnelle atteinte est de l'ordre de 5 masses de Jupiter. Elle est obtenue dans les régions de formation stellaire très jeunes, âgées d'environ un million d'années, où des objets de masse aussi petite sont encore suffisamment brillants pour pouvoir être détectés individuellement. Ces observations sont cependant à la limite de la portée des télescopes, et rien ne permet d'affirmer que la limite inférieure des naines brunes ait été atteinte. Théoriquement, la distinction entre naine brune et planète repose sur leurs différents processus de formation. Une naine brune se forme comme une étoile, à partir de la contraction gravitationnelle d'un nuage interstellaire. Quant aux planètes, différents scénarios existent, mais tous sont fondés sur l'idée qu'une planète naît dans un disque de gaz et de poussière entourant une étoile « parente » naissante. Le modèle le plus largement accepté est le modèle d'accrétion de cœur, où une planète se forme par collisions de minuscules particules dans le disque de poussière. Ces « planétésimaux », constitués de glace et de roche, s'accumulent jusqu'à atteindre quelques masses terrestres et formeraient le cœur solide des planètes géantes, telles que Jupiter, Saturne, Neptune et Uranus. Une fois ces cœurs formés, du gaz est accrété, permettant ainsi la formation de planètes pouvant atteindre la masse de Jupiter, voire plus. Ainsi, une signature indiscutable d'une planète la distinguant d'une naine brune serait la présence de ce cœur enrichi en éléments lourds que sont la glace et la roche, par rapport à l'hydrogène et l'hélium, composants essentiels d'une naine brune. Cette signature a été obtenue pour Jupiter et Saturne, à partir de la mesure des moments gravitationnels, liés à leur rotation, et permettant de remonter à leur structure interne, par les sondes Pioneer, Voyager et Galileo. Il est cependant vain de penser envoyer des sondes au-delà du système solaire pour vérifier la nature d'un objet substellaire à partir d'une telle signature !
Une autre signature observationnelle pourrait être fournie par l'analyse spectrale, car on suppose que l'atmosphère des planètes géantes est enrichie en éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium, cet enrichissement provenant de la matière rocheuse accrétée avec le gaz après la formation du cœur rocheux. La sonde Galileo a en effet mesuré in situ sur Jupiter un enrichissement d'un facteur deux à trois, par rapport aux abondances dans le Soleil, du carbone, de l'azote et d'autres éléments plus lourds. Les signatures spectrales de tels enrichissements ne sont cependant pas simples à mettre en évidence.
Cette difficulté d'identification a poussé les astronomes à adopter un critère arbitraire fondé sur la masse minimale de combustion du deutérium : en dessous de 0,012 masse solaire, un objet ne peut atteindre la température nécessaire à la fusion nucléaire du deutérium, initialement présent dans le nuage ou dans le disque protoplanétaire. Par définition, une planète est un objet de moins de 0,012 masse solaire. Cette définition, qui résout un problème de sémantique, mais ne repose sur aucun critère physique, n'est aucunement satisfaisante. Elle illustre surtout les limites actuelles de notre compréhension de la formation et de l'identification des objets de type stellaire et planétaire. Deux questions fondamentales restent donc ouvertes : quelle est la masse minimale résultant du processus de formation stellaire et quelle est la masse maximale[...]
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Écrit par
- Isabelle BARAFFE : directrice de recherche au C.N.R.S., École normale supérieure, Lyon
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