NAISSANCE Accouchement
L'accouchement fut, pendant des siècles, un événement dangereux : au milieu du xixe siècle, Simpson, accoucheur de la reine Victoria, disait que le risque d'accoucher était plus grand que celui de participer à une bataille rangée. La mortalité en couches atteignait 10 p. 100... et beaucoup plus dans les suites, en période d'épidémie de fièvre « puerpérale ». La surveillance prénatale et les techniques obstétricales procurent aujourd'hui aux mères, dans des établissements spécialisés, une sécurité quasi totale, raccourcissent la durée du « travail », en atténuent ou en suppriment la douleur. La mortalité des nouveau-nés, qui se situait en France, il y a cent cinquante ans, au-dessus de 100 p. 1 000 et autour de 30 p. 1 000 dans la première moitié du xxe siècle, est descendue aux environs de 10 p. 1 000, toutes sources confondues... Elle s'établit au-dessous de 5 p. 1 000 si l'on ne retient que les accouchements de femmes bien portantes, correctement surveillées. Et, pourtant, l'angoisse de l'accouchement est aussi grande aujourd'hui qu'elle fut jamais, malgré la disparition du « danger vital » et la faible probabilité d'accident fœtal.
L'angoisse de « faire naître »
L'ignorance des mécanismes du travail est, dit-on, à l'origine d'images fantasmatiques qui se transmettent depuis l'aube de l'humanité. On peut en évoquer quelques-unes :
– La représentation de l'étroitesse se situe à trois niveaux : la « mère féconde » est dotée de hanches généreuses et les femmes graciles ne manquent pas de souligner leur « étroitesse » bien que la différence ne dépende que du volume des masses graisseuses sous-cutanées ; l'exiguïté du vagin et celle de la vulve évoquent des fantasmes de violence, de distension, de rupture, d'éclatement ; quant au bassin osseux, il ne s'inscrit pas nettement dans la mythologie féminine... mais les médecins ont longtemps cru à l'écartement des pubis lors de l'expulsion, illusion collective transmise pendant deux millénaires et dont il reste des traces dans l'inconscient féminin.
– Le mot douleur désigne traditionnellement la contraction de « travail » et, dans certaines langues, un seul terme signifie à la fois colique et contraction. La douleur est attachée aux symboles complémentaires de la mort et de la vie : de la mort parce qu'elle est « mauvaise », résulte d'une malédiction, parce que son excès révèle l'obstacle, équivaut à une menace mortelle..., de la vie parce qu'elle déclenche le « cri ». Bon nombre de traditions populaires lient le cri de l'enfant à celui de la mère et, dans certains pays, l'analgésie est subie avec réticence, au point que la mère continue de crier, même si la douleur a disparu, à seule fin que son enfant vive.
– Les mythes attachés au cordon sont d'une grande diversité : il retient l'enfant, il l'étrangle, il le dévie. Le départ entre la pathologie et le fantasme n'est pas des plus faciles. Il en est de même pour la symbolique de l'eau : le moment de l'écoulement, l'abondance, la couleur du liquide sont l'objet d'interprétations où le réel se mêle à l'imaginaire. On retrouvera l'eau dans l'ondoiement qui précède le baptême... et dans le bain, longtemps rituel, réhabilité récemment à la faveur d'une nouvelle mythologie.
– La volonté propre de l'enfant se reflète dans le discours maternel : « Il ne veut pas sortir » ou au contraire « Il pousse, il veut sortir... je ne l'aide pas bien, il va mourir par ma faute ».
On admet généralement comme une évidence qu'un enseignement rationnel des mécanismes de l'accouchement suffit à conjurer les fantasmes ancestraux. Il n'en est pourtant rien. Même à un[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard JAMAIN : professeur au Collège de médecine, médecin des hôpitaux de Paris
- Yves MALINAS : docteur en médecine, ancien professeur à la faculté de médecine de Grenoble
Classification
Média
Autres références
-
DÉMOGRAPHIE
- Écrit par Hervé LE BRAS
- 8 983 mots
...veuvage et du célibat définitif. À la fin du xixe siècle, plusieurs statisticiens cherchent à contourner ces obstacles en mesurant la proportion de naissances annuelles ou taux de fécondité en fonction de l'âge du père et de la mère (Körosi à Budapest par exemple). Cela ne résout pas l'épineuse... -
DÉSIR (notions de base)
- Écrit par Philippe GRANAROLO
- 3 094 mots
Et si le récit d’Aristophane était en réalité un récit de naissance ? Qu’est-ce que la naissance en effet, sinon la séparation brutale d’avec une partie de soi-même ? L’enfant ne peut avoir aucune idée de ce qu’est la mère en tant qu’être distinct de lui. Il faudra la longue phase du « stade du... -
ENFANCE (Les connaissances) - La petite enfance
- Écrit par Hélène STORK
- 8 741 mots
- 2 médias
Par rapport à la symbiose entre la mère et l'enfant qui caractérise la période intra-utérine, la naissance marque un profond bouleversement pour l'un et pour l'autre. On connaît bien les modifications physiologiques et psychiques qui, chez la mère, suivent l'accouchement : sentiment... -
ENFANCE (Les connaissances) - Développement psychomoteur
- Écrit par Didier-Jacques DUCHÉ
- 6 703 mots
- 1 média
Lanaissance, pour limitée qu'elle paraisse à des processus mécaniques et physiologiques, constitue néanmoins un traumatisme au sens global du terme, c'est-à-dire qu'elle retentit sur l'ensemble de l'organisation psychique par un afflux d'excitations qui est excessif par rapport à la tolérance du sujet.... - Afficher les 9 références