NAISSANCE & RENAISSANCE
La mort ne s'oppose pas à la vie, mais à la naissance. La mort comme la naissance font partie de la vie. C'est à chaque instant qu'un organisme meurt et naît, par l'équilibre homéostasique entre les processus vitaux de désorganisation et de réorganisation. La vie apparaît ainsi comme une renaissance perpétuelle à partir de soi-même. Naissance et mort ne sont que deux aspects, ou deux moments, d'un phénomène vital qui les englobe : l'individuation. Une forme individuelle apparaît puis elle disparaît. C'est de la méditation sur cette émergence et de cette annihilation que procèdent non seulement tout le symbolisme lié à la naissance et à la mort, mais celui qui comprend l'individuation comme l'accomplissement d'un chemin de renaissance.
Le symbolisme des cycles de naissance, de mort et de renaissance se différencie à travers les expériences religieuses les plus diverses : le chamanisme, où le néophyte, par un voyage initiatique vécu en transe cataleptique, est supplicié, tué, démembré, puis recomposé, régénéré, pour recevoir l'enseignement des esprits, et enfin renaître chaman parmi les humains ; la mythologie, où demi-dieux et héros meurent et renaissent divinisés (Orphée, Héraclès), sont sauvés des eaux (Noé, Moïse, Ulysse), du feu (Asklépios), de l'exil (Psyché), de l'avalement par un monstre (Jonas, Jason), de la caverne ou du labyrinthe (Gilgamesh, Thésée), ou de toute autre forme de mort initiatique ; les religions à mystères, qui présentent et font revivre au myste la naissance, la passion, la mort puis la résurrection d'un dieu (Tammuz, Osiris, Attis, Dionysos, tous « deux-fois-nés »), par l'intercession d'une parèdre divine ; les voies ésotériques (hermétisme, alchimie, astrologie, gnose, théosophie, etc.), qui, par diverses sollicitations de l'imagination, présentent diverses méthodes analogiques et symboliques d'éveil de la conscience. Précisément, cet éveil est symbolisé comme renaissance, dès cette vie, à la vie éternelle. Elle rompt avec l'état de mort (ou d'inconscience) à la réalité transcendantale ; état de mort qu'est l'existence empirique, constituée progressivement dans l'enfance, écartelée par l'opposition d'un moi et d'un monde. Cette renaissance est décrite symboliquement à travers plusieurs étapes d'anamnèse, ou de retour (qui est paradoxalement aussi un accès et une création) à un état de contemplation par l'esprit de l'ordre des vérités éternelles.
Les expériences chamaniques, mythologiques, mystériques et ésotériques présentent, à travers une naissance, une mort et une renaissance symboliques, la possibilité d'une restauration de l'unité de l'être (sujet et objet, matière et esprit, commencement et fin, un et multiple, créateur et créature, masculin et féminin) – mais unité en la conscience. La renaissance symbolique est celle de l'homme intégral. Il faut toutefois préciser une différence majeure entre les approches exotériques de ces symboles (qu'elles soient religieuses, philosophiques ou psychologiques) et leur approche ésotérique. Dans le premier cas, ce processus est compris exclusivement comme symbolique. Dans le second, une telle résurrection est affirmée, non seulement de l'esprit et de l'âme, mais du corps : théories du corps de souffle (ésotérisme païen), du corps de lumière (ésotérisme de l'islam), du corps de gloire (ésotérisme chrétien), du corps de diamant (ésotérisme bouddhique), du corps éthérique (théosophie), etc.
C'est sur le plan symbolique que naissance et mort vont être isolées du contexte vital des cycles de la vie. C'est encore sur le plan symbolique que vie et mort vont être opposées. Par cette séparation, naissance et mort deviennent des éléments organisateurs[...]
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Écrit par
- Alain DELAUNAY : chercheur au Collège international de philosophie
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