HUSTON NANCY (1953- )
Nancy Huston est née à Calgary (Canada) en 1953. Elle a vécu les années 1970 à Paris en suivant les séminaires de Barthes et de Lacan et en participant aux revues féministes Sorcières, Les Cahiers du GRIF, Histoires d'elles (Désirs et réalités, 1996). Mais cet environnement théorique et idéologique ne satisfait pas toutes ses aspirations. Après la mort de Barthes, elle ose écrire son premier roman : trente personnages, amis d'une claveciniste qui les a invités à son concert, racontent l'un après l'autre leur histoire, le temps d'une des Variations Goldberg (1981).
Pendant plusieurs années, Nancy Huston écrit en français des romans inspiré de thèmes liés au féminisme (Histoire d'Omaya, 1985) ou à de grandes causes, comme la guerre du Vietnam (Trois Fois septembre, 1989), des essais et des livres à la limite de la réflexion théorique et de l'écrit intime, comme la correspondance entretenue avec Sam Kinser autour du thème À l'amour comme à la guerre (1984). Avec Leïla Sebbar, elle tente l'« Autopsie de l'exil » (Lettres parisiennes, 1986). Abandonnée par sa mère à l'âge de six ans, l'écrivain vit la maternité comme un grand questionnement. Est-elle compatible avec la création ? Sur un plan éthique tout autant que social ? Après la naissance de Léa en 1982, l'attente de Sacha accompagne, en 1988, le Journal de la création (1990). Cette réflexion trouvera ensuite sa pleine expression dans le roman, à travers les courtes séquences hachées de dialogues de La Virevolte (1994) ou les voix entrelacées de Prodige (1999), méditation sur la « souffrance des mères » et la difficulté des filles à s'en libérer.
La multiplicité des identités et des voix est une constante de l'écriture de Nancy Huston. Dans son Tombeau de Romain Gary (1995), elle interpelle directement l'exilé russe : « Très vite, j'ai vu que la question que tu incarnais [...] était celle de l'identité au sens le plus mathématique du terme, à savoir être un, coïncider avec soi-même. » Depuis le début des années 1990, Nancy Huston a pris conscience de sa condition d'exilée. Canadienne anglaise vivant à Paris, elle revient alors à l'étude des lieux de ses origines, se plonge dans l'histoire de l'Alberta pour écrire, en anglais, un roman, Plain Song, portrait de Paddon, fils de pionnier et amant de l'Indienne Miranda, brossé par la petite-fille de celui-ci. Face aux refus des éditeurs anglo-saxons, Nancy Huston traduit elle-même son livre en français. Le Cantique des plaines (1993) est le premier ouvrage qu'elle publie en même temps en français et en anglais, au Canada et en France. Elle va plus loin avec Instruments des ténèbres (1996), qui alterne les passages en français, racontant l'histoire de Barbe Durand, jeune paysanne berrichonne condamnée à mort en 1712 pour avoir fait disparaître l'enfant issu d'un viol, et ceux, rédigés en anglais, où Nada, femme écrivain, new-yorkaise, interroge sa propre existence en bâtissant le récit de celle de Barbe Durand.
Le succès du livre provoque « une situation d'empêchement total » qui conduit Nancy Huston à interroger Beckett (Limbes/Limbo, 2000) dans un monologue virtuose et violent. Violent comme le siècle qui s'achève et dont Nancy Huston évoque certains drames (la guerre de 1939-1945, le nazisme, la guerre d'Algérie) à travers le personnage de Saffie, jeune Allemande « livrée, abandonnée au monde, sans passion et sans peur », dans L'Empreinte de l'ange (1998). Habituée à tutoyer ses pairs et ses ancêtres sur les problèmes de la création, Nancy Huston finit par se tourner vers le créateur par excellence. Relisant l'Évangile selon Matthieu, pour une nouvelle édition de la Bible, elle découvre que « ce texte figure parmi les écrits les plus influents de l'Histoire[...]
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Écrit par
- Aliette ARMEL : romancière et critique littéraire
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