NAPLES À PARIS (exposition)
Le musée de Capodimonte est installé dans un palais qui domine la ville de Naples. Voulu par Charles de Bourbon, roi de Naples et de Sicile, commencé en 1738, il était destiné à accueillir la cour dans un lieu plus vaste que le palais de Portici, mais aussi à héberger la fabuleuse collection que le roi avait héritée de sa mère, Élisabeth Farnèse, dernière descendante des ducs de Parme, veuve de Philippe V d’Espagne. Une vocation muséale était donc assignée dès l’origine à ce patrimoine devenu Real Museo Borbonico, enfin musée national en 1950, après l’abdication du dernier roi d’Italie. À la faveur d’une importante campagne de travaux lancée en 2023, soixante-dix œuvres appartenant à cette collection ont été accueillies au musée du Louvre, du 7 juin 2023 au 8 janvier 2024.
Lacunes et confrontations
Au Louvre, l’événement occupait trois espaces, avec, dans chacun d’eux, une sélection d’œuvres majeures. Dans l’enfilade constituée par le Salon Carré, la Grande Galerie et la salle Rosa, trente-deux fleurons du musée napolitain étaient en immersion parmi les peintures italiennes du Louvre. La collection de Capodimonte étant l’une des plus complètes d’Italie – mais la moins visitée parmi les plus importantes –, l’accrochage inédit de la Grande Galerie ne pouvait manquer de faire ressortir certaines lacunes du musée parisien. Riche en peintures du Quattrocento, le Louvre ne possède cependant pas d’œuvre de Masaccio, représenté ici par une admirable Crucifixion (1426), ni de panneau de Giovanni Bellini comparable à la Transfiguration (1478-1479), ni d’œuvre de Colantonio (Saint Jérôme dans son cabinet, 1444-1450), un artiste capital, moins connu que son élève Antonello de Messine (Le Christ à la colonne, vers 1475 ; musée du Louvre), ni de représentation aussi emblématique de l’humanisme scientifique que le Portrait de Luca Pacioliavec un élève (1495), dont l’attribution au Vénitien Jacopo dei Barbari fait toujours débat. Pour faire bonne mesure, il est permis de souligner que Capodimonte n’a rien de comparable au Portrait de Sigismond Malatesta (vers 1450-1451) de Piero della Francesca ni au Saint Sébastien (vers 1478-1480) de Mantegna.
La partie devenait plus égale à partir du xvie siècle, mais selon des trajectoires différentes. Alors qu’au Louvre, Léonard de Vinci, Raphaël et leurs disciples sont magnifiquement représentés, et que le musée possède d’importants tableaux maniéristes (Pontormo, Rosso Fiorentino, Bronzino, Salviati, Barocci, Sebastiano dal Piombo…), il ne conserve pas de portraits comparables à ceux de Parmigianino (dont le magnétique Portrait d’une jeune femme appelée « Antea », vers 1535), de Lorenzo Lotto (Portrait de Bernardo de’ Rossi, évêque de Trévise, 1505), de Rosso Fiorentino et de Sebastiano del Piombo, venus de Naples. En revanche, la célèbre Danaé (1544-1545) de Titien, confrontée ici à Vénus, Satyre et l’Amour endormi (1524-1527) de Corrège, aurait peut-être été plus à sa place dans la salle des États, tout près des autres chefs-d’œuvre du maître vénitien, en particulier Jupiter et Antiope (vers 1550-1552).
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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Média