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NARA, TRÉSORS BOUDDHIQUES DU JAPON ANCIEN. LE TEMPLE KŌFUKUJI (exposition)

Haut lieu de la pensée et de l’art bouddhiques, le monastère du Kōfukuji fut un des plus grands temples du Japon entre le viie et le xiie siècle. Les images du panthéon bouddhique, peintes ou sculptées, qui en ornaient les principaux édifices étaient des objets de culte hautement vénérés. Dans un contexte de prospérité et de rayonnement, les ateliers de sculpture du monastère produisirent des œuvres qui aujourd’hui encore reflètent la quintessence des recherches plastiques qui furent menées au Japon dans le domaine de la statuaire bouddhique. Une cinquantaine de pièces des trésors du Kōfukuji sont sorties pour la première fois du temple et ont été présentées au Grand Palais, du 20 septembre au 9 décembre 1996. Cet événement culturel majeur concernait à la fois l’histoire de l’art et l'histoire de la pensée.

Fondé en 669 à Uji sous le nom de Yamashinadera, le temple Kōfukuji fut transféré à son emplacement actuel en 710, lors de la fondation d’Heijōkyō (l’actuelle Nara), première capitale « permanente » du Japon. Temple tutélaire de la famille Fujiwara, il devint l’un des monastères les plus importants du pays. À l’origine temple privé, il est inscrit dès la seconde moitié du viiie siècle parmi les établissements bouddhiques dépendant de l’État. Grâce à la protection du clan Fujiwara, qui règne de facto sur le Japon de 969 à 1068, et à l’affermissement de son assise économique par l’acquisition de nombreux domaines, le Kōfukuji continuera à prospérer au cours de l’époque de Heian (794-1185), bien que la capitale ait été transférée à Kyōto.

Le Kōfukuji est un des premiers monastères de l’école Hossō, l’école de l’« Aspect des entités ». Il enseigne l’un des courants majeurs du bouddhisme du Grand Véhicule (Mahāyāna), celui de l’école indienne des yogācāra (« les pratiquants du yoga »), que l’on appelait encore les « tenants de la conscience » (vijñānavādin). Les deux grandes figures de ce courant de pensée sont Asanga et Vasubandhu (en japonais, respectivement Muchaku et Seshin), des frères, d’origine brahmanique, qui vécurent au ve siècle dans le nord de l’actuel Pakistan. L’essentiel de leurs doctrines est exprimé dans le terme même qui les désigne : le « rien que conscience » (en japonais yuishiki), souvent assimilé à l’idéalisme dans la pensée européenne.

L’école Hossō se fonde sur la doctrine de la « conscience réceptacle », strate la plus profonde de la conscience, qui reste foncièrement pure et recèle la possibilité de devenir bouddha (« éveillé »). La pratique de l’école idéaliste suit les préceptes du yoga bouddhique (méditation, concentration, recueillement) et a pour but d’opérer une « révolution du support » psychique afin de percevoir la réalité des choses. Les choses, ou entités, peuvent être perçues sous trois aspects : imaginaire (celui de la perception vulgaire), dépendant (perception de la causalité qui produit les choses) et, enfin, absolu, qui est la vraie nature des choses et dont la découverte conduit à l’illumination. L’examen des « aspects des entités » (sanskrit dharmalakshana ; japonais hossō) est le fondement de la théorie et de la pratique de cette école.

Les images cultuelles présentées à l'exposition sont avant tout des objets de dévotion et des supports à la méditation, dont on ne peut comprendre l'évolution stylistique qu’au regard de la pensée doctrinale qui les a conçues.

Les premières époques (vie et viie siècles) de la statuaire bouddhique japonaise avaient privilégié le travail du métal, fondu à la cire perdue et repris au ciseau en dernière phase. Techniques, formes et motifs étaient alors dans la continuité des œuvres des dynasties de la Chine du Nord, dont l’influence avait été transmise par le royaume de Paekche en Corée. La tête du [...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres en études de l'Extrême-Orient, architecte D.P.L.G., chargé de recherche au C.N.R.S.

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