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NARCISSISME

Narcisse, Caravage - crédits : Pirozzi/ AKG-images

Narcisse, Caravage

Le narcissisme, ou amour de soi-même, d'après la fascination qu'exerçait sur Narcisse sa propre image, est, pour la psychanalyse, l'un des concepts les plus nécessaires à la compréhension de processus fondamentaux tels que le rêve, la psychose, l'instauration du principe de réalité et du principe de constance.

Dans l'œuvre de Freud, il fut l'objet, pendant vingt-cinq ans, de travaux qui précisèrent, modifièrent aussi partiellement sa portée. Puisque le narcissisme désigne l'investissement de l'énergie psychique (ou libido) qui a pour objet le moi, l'analyse de cet investissement doit varier avec celle de cet objet. C'est pourquoi Freud, à mesure qu'il précise la fonction du moi, aborde différemment le narcissisme.

À l'heure actuelle, l'acception du concept varie selon qu'on le rapporte à tel moment de la pensée freudienne ou qu'au contraire on tient compte de ses lignes et de son mouvement d'ensemble.

On montrera d'abord l'évolution de ce concept non seulement chez Freud, mais aussi, après lui, à travers les recherches de Melanie Klein, de Françoise Dolto, de Jacques Lacan, qui en marquent des étapes essentielles. Puis, à propos des processus du rêve, du délire, du rapport à la réalité, des hypothèses – nécessairement provisoires – seront formulées, qui concernent la genèse et la fonction du narcissisme, la nature de la « liaison », selon Freud, de cette force au sujet de laquelle celui-ci se demandait : « Et quelle pourrait être, cette force, si ce n'est Éros, qui assure l'unité et la cohésion de tout ce qui existe dans le monde ? »

Historique du concept psychanalytique

Freud et le narcissisme

Nous disposons, dit Freud, d'une quantité d'énergie, qui est placée ou investie sur le monde et sur nous-mêmes. Mais cette réserve est limitée. Par conséquent, un investissement important consacré à la personne propre entraîne un retrait des forces attachées au monde extérieur. Ainsi la libido d'objet (ou investissement de la réalité) se trouve-t-elle en balance avec la libido du moi. Selon les cas, l'une ou l'autre l'emporte : « Plus l'une absorbe, plus l'autre s'appauvrit. » Le narcissisme désigne à la fois l'ensemble des processus qui permettent un placement de la libido sur le moi, et les effets de ce placement. Il est un instrument majeur de l'analyse de l'économie de l'inconscient, que Freud utilise d'abord dans l'analyse du délire : « Le malade a retiré aux personnes de son entourage, et au monde extérieur en général, tout l'investissement libidinal orienté vers eux jusque-là [...] Dans la paranoïa, la libido devenue libre se fixe sur le moi [...] ; ainsi, le stade du narcissisme, qui nous est déjà connu comme étant l'un des stades de l'évolution de la libido, et dans lequel le moi du sujet était un objet sexuel, est à nouveau atteint [...] Les paranoïaques possèdent une fixation au stade du narcissisme. »

La double polarité de l'économie libidinale, fixée sur le moi ou sur le monde, est nettement formulée dans ce texte. Ce moi, objet de l'amour narcissique, quel est-il ? Dans le même texte deux réponses s'énoncent, qui diffèrent : l'objet est désigné tantôt comme moi, tantôt comme corps propre. L'un et l'autre sont-ils équivalents ? « Le stade du narcissisme consiste en ceci [...] : l'individu en voie de développement rassemble en une unité ses instincts sexuels, qui jusque-là agissaient sur le mode auto-érotique, afin de conquérir un objet d'amour, et il se prend d'abord lui-même, il prend son propre corps comme objet d'amour. »

Ces deux objets possibles, corps et moi, sont évoqués dans un contexte différent. Lorsque Freud se réfère au moi, il l'oppose au monde extérieur,[...]

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