VIVEKĀNANDA NARENDRANĀTH DATTA dit (1863-1902)
Le samnyāsin, disciple de Râmakrishna
Violent de nature, Narèndra voulut aller jusqu'au bout, et tout de suite : il se fit samnyāsin (« renonçant », sorte de moine de l'hindouisme) dans l'aśram (āśrama) de Râmakrishna et exigea de son guru (maître spirituel) la connaissance la plus haute. Le maître, qui était convaincu depuis longtemps de la sincérité de Narèndra et avait reconnu en lui une âme exceptionnelle, lui permit d'atteindre très vite le samādhi complet, cette expérience parfaite de l'Absolu, qui normalement ne s'obtient qu'après des années de recherche obstinée et d'exercices ardus. En fait, on aurait dit que Râmakrishna, sentant sa fin prochaine (il devait mourir en 1886, deux ans après l'entrée de Narèndra à l'aśram) et le tenant pour son meilleur disciple, voulait lui conférer au plus tôt les signes visibles de sa prééminence.
Après la mort du maître, Narèndra, désigné par lui comme son successeur, révéla ses talents d'organisateur et sa fougue de prédicateur. Sous son impulsion, la communauté des disciples se structura et étendit son influence. En 1892, à l'âge de vingt-neuf ans, il s'embarqua pour un tour du monde et, à cette occasion, prit officiellement son nom de religieux : Vivékânanda, « Celui qui trouve sa joie (ānanda) grâce à la discrimination (viveka ; terme métaphysique utilisé dans le Vedānta) ». Par le Japon, il gagna l'Amérique, prêcha à Chicago, à l'occasion de la réunion d'un « Parlement des religions », puis à Boston. L'influence de sa prédication fut considérable aux États-Unis, où, depuis cette époque, l'hindouisme a toujours été considéré avec sympathie. En Angleterre, il trouva un public averti – et pour cause – des choses de l'Inde et y eut peu de peine à faire des disciples (telle Margaret Noble, qui le suivit en Inde où elle se fit nonne sous le nom de Nivéditâ). Il voyagea ensuite en Europe, notamment en Allemagne, puis s'embarqua pour l'Inde où il rentra après quatre années d'absence.
Son retour est triomphal : les journaux ayant abondamment relaté ses succès (en les exagérant quelque peu), il passe pour une sorte de héros national et les conférences qu'il donne lui permettent de trouver de l'argent, de faire des disciples, enfin d'implanter en plusieurs villes des monastères (maṭh). Cela impliquait la création d'un ordre monastique, hiérarchisé, ayant sa règle, ses abbés (appelés swāmi, « maîtres »), à la façon des ordres religieux chrétiens. Il l'organisa et lui adjoignit une « Râmakrishna Mission », vouée à la diffusion de la pensée du fondateur tant en Inde qu'à l'étranger. Il s'agissait là de quelque chose d'entièrement nouveau pour le subcontinent : si l'hindouisme s'était répandu dans la péninsule indochinoise aux premiers siècles de l'ère chrétienne, la chose n'avait pas été concertée, d'autant moins que, théoriquement, la loi brahmanique (le dharma) interdit les voyages à l'étranger, sous peine d'excommunication. Le travail de la Râmakrishna Mission se révéla fécond et de nombreux étrangers fréquentèrent ses établissements en Europe et en Amérique.
Vivékânanda alla visiter quelques-unes de ces missions et rentra en Inde gravement malade (il était diabétique). Il mourut à l'âge de trente-neuf ans, donnant l'impression, en raison de son activité inlassable, d'avoir vécu bien davantage. À côté de son travail d'organisateur et de prédicateur, il avait élaboré une œuvre intellectuelle, d'ailleurs directement déterminée par ce travail. On s'en aperçut lorsque furent publiés ses entretiens, causeries, conférences, etc. Surtout consacrée à l'exposition du Vedānta et à des conseils sur la pratique des diverses sortes de [...]
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Écrit par
- Jean VARENNE : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III
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