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TURNER NAT (1800-1831)

Nat Turner, l’esclave révolté - crédits : Stock Montage/ Getty Images

Nat Turner, l’esclave révolté

Esclave noir de Virginie, Nat Turner fomenta une révolte d'esclaves qui fut une des plus importantes du xixe siècle avec celles de Gabriel Presser en 1800 et de Denmark Vesey en 1822. Il est né dans une petite exploitation prospère de Virginie. Sa mère, venue d'Afrique, lui inculque une haine féroce de l'esclavage. Son père disparaît alors qu'il était encore enfant. Nat Turner apprit à lire avec les enfants de son maître et suivit avec passion une éducation religieuse qui imprégna par la suite tous ses actes. Travaillant comme charpentier dans les plantations, il fut vendu deux fois, en 1820 et autour de 1830, alors qu'il avait espéré être libéré. Il se maria avec une jeune esclave appartenant à une autre plantation que lui. En 1820, il se sauva et se cacha dans les marais pendant un mois, mais revint à la plantation, poussé, dit-il, par une inspiration divine. À cette époque, il commença à répandre les idées défendues par le sénateur Rufus King de New York et par les quakers, selon lesquelles l'esclavage va contre les lois de la nature, donc contre les lois de Dieu ; il décide alors de faire de l'émancipation le grand but de sa vie.

En 1825, il se met à prêcher ; il est doué d'un magnétisme certain, et son mysticisme lui fait identifier la condition des esclaves avec le sort des Israélites de l'Ancien Testament. Il montre Dieu exerçant sa vengeance et faisant passer sa justice contre les oppresseurs. Devant l'attitude des Blancs, il pense que seules les armes peuvent sauver les Noirs, et, alléguant une instruction divine, il décide en mai 1828 de lancer son insurrection.

Prédicateur jouissant d'une grande renommée dans la région, il s'entoure d'un tout petit groupe, afin de ne pas risquer l'échec qu'avait connu Denmark Vesey. Il voit dans une éclipse du soleil, le 12 février 1831, un signe de Dieu lui ordonnant de passer à l'action. Le 21 août, il part avec sept autres esclaves pour une marche sanglante au cours de laquelle il s'en prend à tous les Blancs rencontrés. En deux jours et deux nuits, 51 Blancs sont égorgés. Environ 75 Noirs se joignent alors à lui dans sa marche vers Jérusalem, la capitale du comté de Southampton. Mais les troupes du « général Nat », peu disciplinées et portées à s'enivrer, n'ont aucune chance même d'y parvenir.

Les Blancs commencent à se défendre ; la milice d'État est convoquée et plus de 3 000 hommes pourchassent les rebelles qui sont dispersés, arrêtés ou tués. Nat Turner réussit à se cacher pendant six semaines, mais il est finalement fait prisonnier, jugé (il plaide non coupable, invoquant sa « mission ») et pendu.

Une vague de peur se répand alors chez les Blancs de Virginie ; des esclaves sont tués sans raison ; la « bestialité » des Noirs est sans cesse évoquée ; les sociétés d'émancipation disparaissent dans le Sud, et l'État de Virginie édicte des lois implacables qui restreignent encore les libertés des Noirs (interdiction de prêcher, de se rassembler). Cette sévérité durera jusqu'à la guerre civile. Mais pendant longtemps, dans les États du Sud, le nom de Nat Turner sera vénéré ; et, dans les cantiques des Noirs, le nom de Jérusalem évoquera autant sa révolte que la cité de la Bible.

— Martine MEUSY

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Écrit par

  • : diplômée d'études supérieures de science politique, chargée d'études à la direction de la Documentation française

Classification

Média

Nat Turner, l’esclave révolté - crédits : Stock Montage/ Getty Images

Nat Turner, l’esclave révolté