SARRAUTE NATHALIE (1900-1999)
Si l'on peut faire remonter au recueil de L'Ère du soupçon, paru en 1956, le rayonnement de l'œuvre de Nathalie Sarraute, l'une des plus neuves et des plus marquantes de notre époque, c'est parce que s'y trouve alors abordée pour la première fois l'idée d'une crise du roman, idée partagée par un certain nombre d'écrivains dont l'œuvre serait rangée sous l'étiquette du Nouveau Roman. Il ne s'agissait pourtant pas là d'un manifeste ni d'un programme dont les livres à venir ne seraient que l'application. L'origine de cette œuvre n'a rien de théorique ; il faut la chercher dans ces premiers textes, écrits entre 1932 et 1937, ces Tropismes qui constituent « la substance vivante » d'un patient travail d'exploration. À quel point ces « actions intérieures », ces « mouvements indéfinissables » sont enracinés dans l'expérience de l'individu, le texte d'Enfance (1983) le révèle mieux que jamais : dans ce livre, en effet, l'entreprise de l'écriture remonte vers ce dont elle est issue, vers ces moments d'intensité qui subsistent dans les souvenirs d'enfance, vers ces impressions confuses et fondamentales que l'œuvre n'a cessé de désigner comme « la source secrète de notre existence ».
« Je ne suis rien d'autre que ce que j'ai écrit »
Russe par sa famille, française par son éducation, Nathalie Sarraute (Nathalie Tcherniak) est née à Ivanovo (Russie), le 18 juillet 1900. Son père, docteur ès sciences, y avait installé une usine de produits chimiques, sa mère était écrivain. Après le divorce de ses parents, en 1902, elle vit d'abord à Paris avec sa mère et fait des séjours en Russie jusqu'en 1909 ; à partir de cette date elle reste à Paris, cette fois avec son père, remarié à son tour. La France sera bien davantage qu'un pays d'adoption. Comme Enfance l'évoque, c'est l'expérience de la scolarité, d'abord à l'école communale puis au lycée Fénelon, qui permet à l'enfant d'échapper à l'univers instable des sentiments non formulés, de se constituer par la maîtrise de la langue un monde propre et un refuge, d'y découvrir son pouvoir et son identité. Après une double licence, d'anglais et de droit, un séjour à Oxford en 1920-1921 pour y préparer un B.A., Nathalie s'inscrit comme stagiaire au Barreau et, en 1925, elle épouse un avocat, Raymond Sarraute. Mais l'activité professionnelle cédera bientôt la place à la lente élaboration d'une série de vingt-quatre textes brefs, Tropismes, point de départ et cœur de l'œuvre.
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Écrit par
- Marianne ALPHANT : écrivain
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