MILSTEIN NATHAN (1903-1992)
Un solitaire imprévisible
Le parcours de Nathan Milstein reste profondément original : c'est celui du soliste type, dont le talent s'accommode difficilement de la présence d'un tiers. Est-ce l'une des raisons qui ont donné aux Sonates et aux Partitas de Jean-Sébastien Bach et aux Caprices de Nicolò Paganini une place tellement privilégiée dans son répertoire ? Il n'a pratiquement pas enseigné, en dehors de quelques masterclasses à la Juilliard School of Music de New York et à Zurich. La musique de chambre l'attirait peu, et il ne la pratiquait plus depuis les années 1930. Après l'époque où il jouait avec Horowitz ou Rudolf Firkušný, il avait trouvé des partenaires au piano, d'abord Artur Balsam et Leon Pommers, puis Georges Pludermacher, qui étaient, plus que des accompagnateurs, des musiciens capables de dialoguer avec cet homme imprévisible. Milstein aimait prendre des risques, changeait constamment de doigtés et de coups d'archet pour ne jamais se répéter et possédait une force de caractère à laquelle il était difficile de résister : il était coutumier des conflits avec les chefs d'orchestre, qui sous-estimaient trop souvent à ses yeux l'importance de l'accompagnement, mais son charisme était tel que tout rentrait dans l'ordre au concert. Il possédait aussi un sens de l'humour et de la dialectique qu'il poussait au plus haut degré.
Son répertoire n'a pas évolué : de Bach à Prokofiev, il jouait l'ensemble de la littérature traditionnelle, mais sans aucune incursion dans le domaine de la musique contemporaine, qui transformait, selon lui, « le violon en une sorte d'instrument à percussion ». Il laisse une discographie relativement restreinte pour une carrière de cette importance : une centaine de titres enregistrés à deux époques de sa vie : entre 1935 et 1965 et après 1975, chacune de ces périodes étant dominée par une intégrale des Sonates et Partitas de Bach. Il avait écrit ses propres cadences pour les concertos de Beethoven et de Brahms et avait signé quelques pièces pour violon, notamment Paganiniana (1954) et une transcription de Méphisto-Valse no 1 de Liszt (1981). Il jouait sur un stradivarius de 1716, l'ex-Goldmann – du nom d'un fameux collectionneur –, auquel il avait donné les prénoms de sa fille et de sa femme, le Marie-Thérèse.
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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