NATION L'idée de nation
La nation organisée
Depuis la fin du Moyen Âge, la nation française est définitivement constituée, comme l'anglaise, et le xvie siècle marque sans nul doute, en France, l'organisation de l'État national. L'Angleterre est, à cet égard, en avance sur la France et, de plus, la constitution d'une Église nationale y a ajouté, au xvie siècle, un nouvel élément de cohésion. Il est remarquable qu'à partir de ce siècle on voit, en France comme en Angleterre, se multiplier les histoires nationales.
La nation associée à la vie du royaume
Le roi de France a, dès le Moyen Âge, imposé son autorité à l'extérieur en rejetant toute intrusion du pape ou de l'empereur dans la vie politique du royaume ; sans rompre avec Rome, il parachève son indépendance dans le domaine spirituel en faisant respecter les « libertés gallicanes ». À l'intérieur, il a maintenant réduit au silence les grands féodaux et il n'accepte aucun partage de son autorité souveraine. Les Français, ses sujets, n'en prennent pas moins part à la vie de la nation organisée, dans le cadre de nombreux « corps intermédiaires » sociaux, administratifs ou professionnels. Si les états généraux de la nation ne se voient reconnaître aucun pouvoir politique, leurs « doléances » font utilement connaître au roi les aspirations de la population.
Unité nationale et particularisme provincial
L' Ancien Régime n'avait pas le souci d'uniformité qui caractérise les États modernes : de même que l'unité de la nation s'accommodait parfaitement de la pluralité de statuts individuels dans l'organisation sociale (clergé, noblesse, tiers état), de même le loyalisme national ne prenait pas ombrage du particularisme provincial. Chaque province a son statut propre et souvent ses états particuliers ; la diversité ne nuit pas à l'unité et, comme l'écrit B. Guenée, « loyalisme et particularisme, loin de se détruire, se renforcent l'un l'autre ».
L'histoire de la langue marque, de son côté, l'achèvement de l'évolution. Alors qu'au Moyen Âge le mot « pays » servait à traduire indifféremment pagus et patria, les écrivains de la Renaissance, notamment Joachim Du Bellay, ne se contentent plus d'un seul mot français pour traduire deux mots latins différents ; ils font entrer dans la langue le mot « patrie » avec son sens actuel, donnant ainsi un support verbal à une notion qui cherchait à s'expliciter.
Le sentiment national contre l'Ancien Régime
Au xviiie siècle, la nation prend conscience d'elle-même à l'égard de la monarchie, aussi bien en France qu'en Angleterre, et la floraison du sentiment national est, ici comme là, liée à la montée de la bourgeoisie, représentant la classe moyenne, qui veut prendre une part plus active à la vie politique de la nation. La France cependant va, cette fois, se séparer de l'Angleterre, parce que l'exaltation de la nation s'y fait contre l'Ancien Régime avant de s'attaquer à la monarchie elle-même.
À la veille de la révolution de 1789, une nouvelle définition de la nation est lancée, qui rejette les « corps intermédiaires » traditionnels. C'est pour Sieyès « un corps d'associés vivant sous une loi commune et représentés par le même législateur » (Qu'est-ce que le tiers état ?, 1789) ; la nation est l'ensemble des régnicoles – on dira bientôt des citoyens – et la volonté nationale est la somme des volontés individuelles.
Les droits de la nation sont bientôt proclamés à l'encontre du pouvoir royal. On crie « Vive la nation ! » ; le roi ne saurait être que son représentant. Comme l'écrit Renan, désormais « la nation existe par elle-même », mais il ajoute aussitôt : « La royauté française avait été si hautement nationale que, le lendemain de sa chute,[...]
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Écrit par
- Georges BURDEAU : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris
- Pierre-Clément TIMBAL : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris
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