- 1. Disparition des empires
- 2. Refus du privilégiement ethnique
- 3. Rôle de l'intelligentsia
- 4. Le rôle des masses
- 5. Récupération du passé
- 6. Récupération de l'espace
- 7. Reconnaissance extérieure
- 8. Constitution du parti
- 9. Le rôle de l'État
- 10. Lente découverte d'une double identité
- 11. Les nations construites avant la première vague
- 12. Bibliographie
NATION La construction nationale
Refus du privilégiement ethnique
L'élément précédent est d'autant plus important qu'il permet l'apparition d'un second : un changement d'attitude de ceux qui, sous des formes et à des degrés divers, pouvaient s'en considérer comme les bénéficiaires assurés ou comme les victimes momentanées de ces empires. Et ce qu'il s'agisse de fractions de l'ethnie privilégiée (créoles des empires espagnol ou portugais, membres des treize colonies anglaises d'Amérique), ou qu'il s'agisse de populations allogènes dominées ou colonisées : Slaves, Bulgares, Magyars, Moldovalaques, Hellènes... des empires européens ; Africains, blancs ou noirs, Asiatiques des empires coloniaux britannique ou français ou encore de l'empire portugais. L'attitude vis-à-vis du privilégiement peut varier dans ses formes : elle n'en demeure pas moins une remise en question de son idée même, telle qu'elle se manifeste concrètement. La première forme de cette contestation, de la part de fractions émigrées de l'ethnie privilégiée, se traduit par deux attitudes, éventuellement complémentaires. D'un côté, le rejet, souvent pour des motifs économiques (guerre du Thé ici, divergences économiques et douanières là), de la dépendance des émigrés vis-à-vis du pouvoir central, rejet aboutissant politiquement à la sécession ; d'un autre côté, l'appropriation de cette même idée de privilégiement par les émigrés, au détriment des populations indigènes (soutenues souvent par les monarchies des métropoles contre ces mêmes émigrés), et le résultat en est la confiscation du principe national, excluant les indigènes. Les treize colonies donnent, sous cette forme, naissance à la nation américaine « en construction » des États-Unis d'Amérique et, à l'origine au moins, les pays issus des empires espagnol et portugais adoptent la même attitude. La deuxième forme de ce refus du privilégiement ethnique, là où les populations autochtones n'avaient été ni décimées, ni maintenues en totalité en un état sous-humain (Empires européens, empire colonial français ou empire britannique), est le rejet, par la classe politique ou l'intelligentsia autochtone, de la politique dite d'assimilation : il n'est plus possible de parler de sécession ; il s'agit de l'apparition au grand jour de formes politiques nouvelles entre les mains des autochtones, classe politique et intelligentsia, formées, toutes deux, à la fois par les principes directeurs venus du cœur des empires et par les faits concrets des pays – terre et hommes – dominés ou colonisés. Cette seconde forme de rejet de l'assimilation, c'est-à-dire d'une identité nationale autre que la sienne propre, en gestation dans ce refus même, représente le cas, numériquement majoritaire, des nations en construction de la troisième vague (afro-asiatique) et de la deuxième vague (européenne).
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Écrit par
- Émile SICARD : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Bordeaux
Classification
Média
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