- 1. Disparition des empires
- 2. Refus du privilégiement ethnique
- 3. Rôle de l'intelligentsia
- 4. Le rôle des masses
- 5. Récupération du passé
- 6. Récupération de l'espace
- 7. Reconnaissance extérieure
- 8. Constitution du parti
- 9. Le rôle de l'État
- 10. Lente découverte d'une double identité
- 11. Les nations construites avant la première vague
- 12. Bibliographie
NATION La construction nationale
Le rôle de l'État
Il serait facile, à ce stade de la construction nationale, de comparer la nationalité diffuse, en voie de durcissement en nation plus ou moins stabilisée dans ses structures, à un ciment plus ou moins lent ou rapide à « prendre » et dont les fers internes seraient le parti et le coffrage extérieur serait l'État.
Ce « coffrage », lui, a probablement, et jusqu'à l'hypothétique « dissolution de l'État », toute chance de demeurer permanent. Au cours des trois vagues, le rôle de l'État fut prépondérant.
On citera des exceptions, qui ne manquent pas, cependant, de laisser paraître, plus souterraine ou plus actuelle, l'action de l'État. La « nation » polonaise s'est maintenue, malgré ses partages en trois États ; mais ces États étaient étrangers et, par ce caractère même, contribuaient à durcir le ciment national autour des fers internes de la classe politique polonaise, sinon des partis, du moins des groupes idéologico-religieux polonais. Les États-Unis sont nés, comme l'indique leur dénomination même, sur la base de l'État, mais une « nation » – anglo-saxonne et protestante – préexistait à l'union qui, par la suite, en fonction des immigrations allogènes, dut construire une nouvelle nation qui est encore – on ne le voit pas assez – « en train de se faire » au travers de l'État. La France est une troisième exception, « nation éternelle » aux « frontières naturelles », accomplissant, per Francos, gesta Dei ; toutefois cette nation, aux accidents multiples, aux divergences sans cesse renouvelées, n'a pu entamer si tôt le processus historique de « construction » que par la volonté permanente de l'État, assurée à travers monarchies, empires, républiques. Depuis trois siècles, c'est bien l'État qui, partout, a fait d'abord apparaître au grand jour un sentiment ethniquement diffus, qui a catalysé ensuite les tendances nationalitaires souvent divergentes, qui a durci enfin, autant que faire se peut, le noyau de la nébuleuse nationale.
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Écrit par
- Émile SICARD : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Bordeaux
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Média
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