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NATIONALISATION

Alors qu'elle semblait reléguée au musée des institutions juridiques et économiques, la nationalisation a suscité un vif intérêt en 1982 : la France procédait, après l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement de gauche, aux plus importantes nationalisations depuis les années d'après guerre. La nationalisation, qui semblait réservée aux révolutions ou aux pays du Tiers Monde, était mise en œuvre par un pays occidental pour lutter contre la crise économique, sans d'ailleurs que soient véritablement remis en cause les fondements de son système économique. Il est frappant de constater qu'à cette occasion se sont posées à nouveau toutes les questions, en particulier juridiques, qui étaient apparues lors des opérations antérieures. C'est que jamais, peut-être, les règles de la matière n'ont été parfaitement fixées ni véritablement acceptées. « La dimension propre du droit c'est le temps », a écrit le professeur Carbonnier. On peut aussi bien avancer que c'est le temps économique et non juridique qui, par sa dimension internationale, a œuvré le plus efficacement pour compromettre cette ultime manifestation du volontarisme d'État, et ce bien avant les opérations de privatisation engagées par les gouvernements de droite en 1986 et en 1993.

On tentera d'abord de définir la notion de nationalisation, avant d'examiner son régime juridique. Enfin, on étudiera pour la France les grandes lignes de l'organisation du secteur public tel qu'il se présentait à la veille de la première vague de privatisation.

Définition de la nationalisation

La nationalisation est « l'opération par laquelle la propriété d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises est transférée à la collectivité afin de la soustraire, dans l'intérêt général, à la direction capitaliste » (J. Rivero, Le Régime des nationalisations, Jurisclasseur civil, annexes III, 1948). Elle peut se définir par son but, par son objet et par les motifs qui l'inspirent.

But

L'objectif essentiel d'une nationalisation est de transférer à la nation le pouvoir sur une ou plusieurs entreprises, sur des moyens de production ou sur une branche de l'économie. Le passage d'ensembles économiques sous le contrôle et la direction de l'État doit permettre d'orienter leur activité vers l'intérêt général, alors que la direction capitaliste a pour seul but la recherche du plus grand profit, au besoin à l'encontre des impératifs de l'intérêt commun.

« L'idée qui dicte les nationalisations est le souci d'éliminer les capitalistes, soit des profits de l'entreprise, soit surtout de la gestion, pour des motifs divers qui peuvent être d'ordre financier, économique ou politique » (M. Waline, Manuel de droit administratif, p. 277, Sirey, 1946). Une nationalisation est donc un acte politique qui modifie la répartition des pouvoirs dans une société. L'objectif d'élimination de la direction capitaliste pose un problème technique et un autre de politique économique.

Le transfert de pouvoir sur un ensemble économique peut se réaliser par l'éviction complète des intérêts privés ; mais la disparition totale des intérêts privés n'est pas absolument nécessaire pour que le pouvoir appartienne réellement à l'État. C'est pourquoi certains auteurs estiment qu'il peut y avoir nationalisation sans appropriation totale, par l'État, des biens ou du capital d'une entreprise. Ainsi, le professeur Luchaire écrit : « La nationalisation est, en effet, une opération qui assure à la collectivité la maîtrise d'une entreprise : elle peut se réaliser soit par l'expropriation intégrale (des biens ou du capital), soit par le transfert forcé à la puissance publique du contrôle et, notamment, de la majorité du capital » (« La [...]

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Écrit par

  • : maître des requêtes au Conseil d'État
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